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Services publics : la République menacée !Source : Politis / le 25/09/2005
Hôpitaux, services postaux, transport ferroviaire et électricité sont engagés dans une nouvelle vague de privatisations. N’est-ce pas cette remise en cause généralisée de la notion même de service public qui ruine les principes républicains ? Nous sommes en 2010. Le rail ayant disparu des zones rurales depuis longtemps, vous habitez une ville proche d’une gare TGV. Les particuliers attendent devant les rares guichets de La Poste et passent après les juteux clients que sont les entreprises. L’abonnement de votre ligne téléphonique est dix fois supérieur au coût de vos appels. L’hiver venu, priez pour une santé de fer : l’hôpital le plus proche est à 100 kilomètres et on n’y reste qu’une nuit ou deux, au maximum. Au bord de la route surgit l’ombre inquiétante de la centrale nucléaire aux incidents réguliers, gérée par un essaim d’entreprises privées... La politique de privatisation des services publics amorcée en France depuis plusieurs années pourrait bien transformer ces situations fictives en réalités quotidiennes. Les usagers sont souvent les premiers cobayes des mutations en cours. Ainsi, au coeur de la Drôme, la restructuration des services postaux a débuté à l’automne 2001. Par souci de rentabilité, la direction départementale de La Poste a diminué le nombre de centres de distribution de moitié. Ces bureaux centralisent la gestion des tournées et ont considérablement réduit les horaires de levées. Dernier volet du plan de rigueur drômois, 50 bureaux de poste du département devraient être fermés, délocalisés ou voir leurs compétences limitées. Une révolution dont « aucun maire n’a été informé par le directeur départemental de La Poste », aux dires de Jean-Claude Basset, membre du PC départemental et un des initiateurs de la mobilisation drômoise. Une centaine de maires locaux les ont rejoints et plus de 4 000 habitants ont, à ce jour, signé une pétition contre ces refontes sauvages. Le transport ferroviaire aussi est touché : 3 500 emplois devraient rester à quai, d’après le projet de budget 2004 de la SNCF, et pas moins de « 8 000 kilomètres de lignes vont disparaître en France », selon Xavier Braud, juriste à la Fédération nationale des associations d’usagers des transports. En Seine-Maritime, les usagers se battent pour la réouverture de la ligne Dieppe-Serqueux, fermée en 1988. Le trajet en direction de Paris n’est pourtant que de 171 kilomètres via Serqueux, contre 203 en passant par Rouen, gare désormais saturée. Didier Marchand, un des responsables de l’Association des voyageurs et des usagers du chemin de fer (Avuc), ne décolère pas : « Lorsqu’on l’a fermée, la ligne Dieppe-Serqueux était pourtant rentable sur le fret. Et avec des horaires plus larges, elle l’aurait été aussi sur le transport des personnes ». La SNCF, sur les lignes dont elle ne veut plus pour des questions de rentabilité, se garde bien d’adapter les horaires aux besoins du public ou de faire de la publicité. Elle peut ainsi les fermer facilement, puis les démanteler. « Les exigences comptables prennent le dessus. Les gros projets font beaucoup plus fantasmer les entrepreneurs qu’une couverture dense du territoire », juge Xavier Braud. « Un responsable de la SNCF m’a confié que si un projet n’était pas rentable, on ne faisait pas la ligne, révèle Didier Marchand, sans compter les pressions du lobby routier et la priorité absolue donnée au TGV. » Après une bataille judiciaire de cinq ans, l’Avuc a obtenu du tribunal administratif l’annulation de la fermeture définitive de la ligne Dieppe-Serqueux. Au mépris de la décision de justice aujourd’hui en appel, le conseil général continue la transformation du tronçon en voie de promenade. Les hôpitaux implantés en zone rurale connaissent la même course à l’équilibre des comptes, au détriment des malades, contraints de parcourir des dizaines de kilomètres pour se faire soigner. Le « Plan hôpital 2007 » concocté par le gouvernement va dans ce sens : réorganisation interne, renforcement du pouvoir des directeurs et restrictions budgétaires, alors même que l’hôpital public manque cruellement de personnels médicaux. Sans oublier la future « T2A », tarification à l’activité : les hôpitaux seront financés en fonction du volume et de la nature de leur activité, glissant vers une logique concurrentielle et une privatisation de fait. En Haute-Saône, l’érosion de l’offre de santé publique a commencé en 1992. Les sites de Lure et Luxeuil, villes de 10 000 habitants, ont déjà perdu les services de maternité, cardiologie, chirurgie et ORL. Ces deux établissements dépendent de l’hôpital de Vesoul, chef-lieu départemental dont le maire UMP promet une nouvelle structure hospitalière pour 2008. « Les terrains ne sont pas encore achetés », réplique Michel Antony, président du Comité de vigilance pour le maintien des services publics de proximité dans le bassin de vie de Lure-Luxeuil. Fort de 500 membres, le comité a organisé le 25 janvier une consultation publique auprès de 101 communes du département. « Un inscrit sur deux s’est déplacé, soit 25 000 votants. 99 % ont voté pour le maintien des services publics de proximité », s’enorgueillit Michel Antony. Ce scrutin à valeur consultative a impressionné le maire de Saint-Affrique, en Aveyron, aujourd’hui engagé dans la même bataille de sauvegarde de l’hôpital local, tout comme la commune de Paimpol, dans les Côtes-d’Armor. Les trois villes concernées entendent ne pas en rester là et créeront bientôt une « Coordination nationale de comités de défense des hôpitaux ». L’intrusion du privé dans les services publics est parfois moins visible mais tout aussi problématique. Joël Vaganay est chargé d’affaires à la centrale nucléaire de Chinon, en Indre-et-Loire, et animateur du collectif « Face au marché, le service public ». Il a pour responsabilité de contrôler le travail des entreprises extérieures qui assurent la maintenance du site, aux normes de sécurité drastiques. Une tâche auparavant dévolue aux seuls employés d’EDF mais de plus en plus confiée à des prestataires privés. Politis
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