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L’envers du "modèle allemand" : précarité généralisée et pauvretéSource : Le Secours Populaire
8 mai 2013 Principale économie européenne, le premier exportateur du continent , grâce à ses entreprises et marques de niveau mondial, l’Allemagne représenterait le modèle que les autres Etats d’Europe seraient bien inspirés d’imiter. Pourtant, si on y regarde de plus près, ses perspectives d’avenir sont contrastées. Quant à l’évolution de son modèle social, elle est préoccupante : la population allemande souffre de plus en plus de précarité et de pauvreté : 1 enfant sur 3 vit en dessous du seuil de pauvreté à Berlin. Peter, 56 ans, Berlin, Allemagne "Je demande juste une chose : pouvoir vieillir dignement" "Ici, à Berlin, je ne vis pas, je survis. En 2007, j’ai perdu mon travail de technicien en informatique et je n’ai jamais pu accéder à un emploi stable. Trop vieux, trop qualifié, trop cher, voici les arguments des employeurs.
Depuis, c’est la dégringolade sociale. Comme des milliers d’Allemands, je fais partie des travailleurs à 1,50 euro de l’heure, l’invention des lois "Hartz". Je suis malade du diabète. Je m’accroche, mais il y a des jours, c’est
trop dur et je me dis que parfois, il vaudrait mieux crever que de vivre ça", Emploi et protection sociale sacrifiésLes réformes de la politique du marché du travail, engagées en Allemagne à partir de 2002, sont regardées par la majorité des observateurs comme ayant marqué une rupture importante avec le modèle social allemand, et notamment, les principes de l’assurance du revenu salarial et des garanties des statuts professionnels. L’Agenda 2010 de Gerhard Schröder, qui a mis en place les minijobs, a libéralisé le travail, la fiscalité. Les lois "Hartz" ont changé l’organisation et les conditions d’indemnisation du chômage et ont encouragé les formes d’emplois atypiques. "Des cadeaux aux patrons, puisque outre les salaires ridicules, ces emplois sont quasiment dispensés de charges sociales. De la main d’œuvre presque gratuite et corvéable selon les besoins : la flexibilité en somme", A l’exception du Japon, l’Allemagne est la seule économie de l’OCDE où le volume d’heures travaillées a baissé au cours des années 1990 (y compris dans les anciens Länder) et il stagne depuis**. En Allemagne, un emploi sur trois n’est désormais ni à plein temps ni à durée indéterminée et un sur dix est un minijob, des emplois à moins de 400 euros par mois non assujettis aux cotisations sociales salariées. En conséquence, le nombre d’emplois qui contribuent au financement de la protection sociale reste aujourd’hui encore inférieur de deux millions à ce qu’il fût en 1991. En même temps, le pourcentage des emplois à bas salaires a progressé de 6 points au cours des dix dernières années et se situe désormais au même niveau que dans les pays anglo-saxons. Selon l’institut du travail de l’université de Duisbourg-Essen, 2,5 millions de personnes travaillent pour moins de 5 euros de l’heure dans un pays qui n’a pas de salaire minimum***. Selon le Livre noir du travail intérimaire, publié en mars 2012, par le syndicat de la métallurgie allemande, IG Mettal, un million de salariés seraient soumis au travail intérimaire, un chiffre qui aurait triplé depuis 2004. Gabriele, 58 ans, Fragilisée par une maladie invalidante, elle doit se contenter d’un minijob. - "Ce qui me rend triste, c’est que mes enfants n’ont que des emplois précaires. Quel avenir leur réserve l’Allemagne ?" Cette généralisation de l’intérim est aidée par la loi "Hartz IV" qui oblige les chômeurs à accepter n’importe quel travail, y compris le plus précaire et le plus mal payé. Aucune réglementation ne limite le travail intérimaire. "Pendant deux ans, j’ai travaillé dans la même entreprise comme fraiseur. La crise s’est installée. Je suis resté dix mois au chômage. Un jour, j’ai repris le travail avec le système "Hartz IV". La même machine, la même équipe, les mêmes heures de travail. Aujourd’hui, je fais le même travail mais pour à peu près la moitié de mon ancien salaire. Au chômage, j’avais 200 euros de plus que ce que je perçois désormais de l’agence d’intérim", déclare Rolf. Témoignage. "Avec un contrat de travail en intérim, on a toujours peur pour son boulot. Certains se traînent malades au travail pour ne pas se faire virer. Un collègue s’est cassé un doigt lors d’un accident du travail, mais n’a pas osé
rester, ne serait-ce qu’un jour à la maison. Il a jeté son arrêt de travail, de peur d’être licencié. Mais si une crise plus grave arrive, tous les intérimaires se retrouveront de toute façon à la rue. Ce nouveau marché aux
esclaves devrait être interdit, car le travail intérimaire va enterrer tout ce pourquoi des générations de travailleurs se sont battus." * Après cependant une chute plus marquée en 2009. ** Arnaud Lechevalier est maître de conférences à l’Université de Paris 1 et chercheur au Centre Marc Bloch (Centre franco-allemand de recherche en sciences sociales à Berlin). *** SMIC : 9 euros brut en France. > La pauvreté s’aggrave et se propage
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