Articles les plus visités

Bienvenue au Village Fédéral, agrégateur de consciences, dédié aux hautes aspirations de l'humanité, le savoir, la liberté et la solidarité... Les citations du moment... L'utopie n'est pas l'irréalisable, mais l'irréalisé. Theodore Monod... L'opprimé d'aujourd'hui sera l'oppresseur de demain. Victor Hugo... Il n'est pas besoin d'esperer pour résister. Auteur inconnu... "La lutte des classes existe, et c'est la mienne qui est en train de la remporter." Warren Buffet (milliardaire)... LE POUVOIR NE SOUHAITE PAS QUE LES GENS COMPRENNENT QU’ILS PEUVENT PROVOQUER DES CHANGEMENTS. Noam Chomsky... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel . Jean Jaures... Si tu veux faire de ce monde un endroit meilleur, jette un œil sur toi-même et fait un changement... If You Wanna Make The World A Better Place, Take A Look At Yourself And Then A Make A Change. Michael Jackson (Man In The Mirror)...
RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE
Extraits du rapport de Greenpeace International

Fukushima deux ans après : l’industrie nucléaire « irresponsable »

Le secteur nucléaire est dispensé d’assumer la responsabilité de ses échecs.

22 février 2013

Depuis que l’énergie nucléaire a commencé à être utilisée pour produire de l’électricité, il y a plus de 60 ans, l’industrie nucléaire bénéficie d’un statut privilégié : elle est dispensée d’assumer la responsabilité de ses erreurs. Les gouvernements ont mis en place un système qui consiste à préserver les intérêts des entreprises du nucléaire, et à faire payer le prix fort aux victimes des catastrophes.

L’accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi en mars 2011 au Japon montre, une fois de plus, que l’industrie nucléaire encaisse les bénéfices tandis que la population, elle, accuse le coup. Près de deux ans plus tard, des centaines de milliers de personnes continuent d’être exposées à la contamination radioactive à long terme causée par l’accident. La vie des habitants ne sera jamais plus comme avant. Ils ont perdu leur maison, leur travail, leurs terres, leur cadre et leur mode de vie.
Ils ont toujours beaucoup de mal à obtenir une indemnisation équitable dans des délais raisonnables. Dans le même temps, l’industrie nucléaire continue d’échapper à ses responsabilités. Les vieilles habitudes ont déjà repris : les entreprises nucléaires continuent leurs activités comme si de rien n’était, tout en engendrant des risques nucléaires.


Comment se fait-il que, à l’exception de l’opérateur Tokyo Electric Power (TEPCO), qui a été nationalisé, l’industrie nucléaire n’ait pas versé un seul centime au titre des dommages causés par l’accident de Fukushima, qui se chiffrent à plusieurs dizaines de milliards de dollars ? Comment se fait-il que les entreprises qui ont remporté des contrats juteux pour assurer la construction, l’entretien et l’exploitation de la centrale de Fukushima (dont GE et Hitachi), continuent d’exercer leurs activités comme si de rien n’était ? Aujourd’hui, il faut bien se rendre à une évidence douloureuse : les failles systémiques de l’industrie nucléaire ont amplifié les souffrances des victimes. De nombreux habitants délogés continuent de survivre dans des conditions sommaires, sans pouvoir regagner leur domicile ni avoir les moyens de reconstruire leur vie dans un autre endroit.

Comment en est-on arrivé là ? Le régime de responsabilité civile du nucléaire mis en place par l’industrie nucléaire et les gouvernements protège les industriels et fait endosser aux populations le coût des erreurs et des catastrophes. Si l’on veut préserver les populations du risque nucléaire, il faut réformer ce système en profondeur et amener l’ensemble des acteurs industriels à rendre compte de leurs actes et de leurs échecs.
En février 2012, dans un rapport intitulé Enseignements de Fukushima 1 , Greenpeace examinait les principales causes de l’accident de Fukushima : les défaillances des institutions, des régulateurs et des industriels, notamment la non-prise en compte des risques nucléaires, la non-application des normes de sûreté adéquates, l’incapacité de protéger le public en situation d’urgence et le refus de garantir aux victimes une indemnisation appropriée.

Ce nouveau rapport de Greenpeace montre comment le secteur nucléaire est dispensé d’assumer la responsabilité de ses échecs. L’industrie nucléaire, à la différence d’autres industries, n’est pas tenue d’indemniser totalement les victimes pour les effets incommensurables, transfrontaliers et persistants provoqués par les catastrophes nucléaires.

Comme le montre le rapport, l’état d’avancée de l’indemnisation des victimes de Fukushima illustre les graves problèmes liés à l’absence d’obligation de rendre des comptes en cas d’accident nucléaire. Le rôle des fournisseurs d’équipements nucléaires dans la défaillance des réacteurs est également analysé.
Le rapport dénonce en outre les deux principaux « boucliers » qui protègent l’industrie nucléaire :
• Les conventions et lois internationales en matière de responsabilité plafonnent le montant total des indemnisations disponibles en cas d’accident et exonèrent les fournisseurs d’équipements nucléaires – qui tirent pourtant leurs revenus de la construction et de l’entretien des réacteurs – de toute responsabilité. Les régimes prévus par ces instruments ne permettent de provisionner qu’une infime partie du montant réel des réparations dues lors d’accidents, tout en dissuadant les fournisseurs de prendre des mesures visant à réduire les risques nucléaires.

• La chaîne de production nucléaire se caractérise par sa complexité et ses multiples couches superposées.
Ces caractéristiques aggravent l’absence d’obligation de rendre des comptes pour les fournisseurs d’équipements nucléaires. Des centaines d’entreprises différentes sont chargées de fournir des équipements et d’assurer des services indispensables à la sûreté d’un réacteur. Cependant, elles ne peuvent en aucun cas être tenues pour responsables lorsqu’un problème survient.

Fukushima deux ans après – des victimes livrées à elles-mêmes

Pour être équitablement indemnisées, c’est un véritable combat que doivent mener les victimes de la catastrophe de Fukushima. C’est ce combat que nous livre le journaliste David McNeil dans le chapitre 1.
Deux ans après l’accident nucléaire, les conséquences humaines se font toujours sentir. Des victimes et des témoins ont confié au journaliste les multiples obstacles auxquels ils sont confrontés pour obtenir réparation. Mme Kameya, 68 ans, affirme ainsi : « Les gens pensent que les victimes de ce genre d’accident obtiennent beaucoup d’argent, mais ils ont tort. »

À la suite de la catastrophe, 160 000 personnes se trouvaient dans le périmètre d’évacuation obligatoire et ont été contraintes de déménager, tandis que des centaines de milliers d’autres ont « volontairement » fui les zones irradiées. Repartir de zéro n’est déjà pas facile, mais le processus de compensation, complexe et fastidieux, est loin de leur faciliter la tâche.

Les personnes déplacées sont livrées à elles-mêmes, sans pont entre le passé et l’avenir. Les problèmes du système de compensation sont multiples. Le traitement des demandes d’indemnisation prend du retard, et le montant des indemnités mensuelles ne permet pas aux victimes de survivre, encore moins de commencer une nouvelle vie. Toutes les personnes qui ont quitté les zones contaminées ne peuvent pas prétendre à une indemnisation, et celles qui sont éligibles ne reçoivent qu’une fraction de la valeur de la maison ou des biens qu’elles ont perdus.

Le système d’indemnisation a été conçu de telle sorte que, dans un premier temps, les fonds soient financés par le gouvernement. Mais depuis la nationalisation de TEPCO en juin 2012, il apparaît clairement que c’est bien le contribuable japonais qui, en définitive, règlera l’addition de Fukushima. En décembre 2012, la compagnie avait demandé au Fonds de versement des indemnités pour les dégâts nucléaires, adossé à l’État, de l’aider à payer des indemnités pour un montant total d’environ 3 240 milliards de yens (36,5 milliards de dollars). Dans le même temps, le gouvernement japonais a injecté 1 000 milliards de yens (environ 12,5 milliards de dollars – taux de change 2012) dans TEPCO en mai 2012 pour lui éviter la faillite. Au total, ce sont près de 3 500 milliards de yens d’argent public qui ont été versés dans l’entreprise depuis le début de la catastrophe de Fukushima.

Les fournisseurs d’équipements nucléaires échappent à toute responsabilité.

Quel rôle les fournisseurs nucléaires ont-ils joué dans la catastrophe de Fukushima ? C’est également la question que se pose David McNeil. La centrale nucléaire de Fukushima Daiichi compte six réacteurs, les unités 1 à 5 abritant des réacteurs de type Mark I, dont la compagnie américaine General Electric (GE) est à l’origine de la conception. GE a fourni les réacteurs des unités 1, 2 et 6, les autres ayant été fournis par des entreprises japonaises : Toshiba pour les unités 3 et 5, Hitachi pour l’unité 4. Tous les fournisseurs de la centrale de Fukushima Daiichi, y compris GE, Hitachi et Toshiba, n’ont actuellement aucune responsabilité à assumer concernant la catastrophe survenue le 11 mars 2011. Au contraire, nombre d’entre eux tirent parti aujourd’hui de la catastrophe. GE, Hitachi et Toshiba, entre autres, participent à la décontamination du site et des zones irradiées, y compris au démantèlement des réacteurs.

D’après un rapport de la commission d’enquête indépendante de la Diète (Parlement japonais), la construction du réacteur 1 de Fukushima avait été confiée par TEPCO à GE dans le cadre d’un contrat « clé en main » qui plaçait « toutes les responsabilités » sur GE. Le réacteur de l’unité 1 de Fukushima était le premier du type Mark I jamais construit, et le chantier a connu de nombreuses difficultés. Les normes de conception parasismique japonaises étaient bien plus exigeantes que celles prévues par la conception originale. L’intégration des caractéristiques techniques japonaises ont été problématiques, et des renforcements ad-hoc ont dû être effectués au cours de la construction.
Dans les années 1970, un ingénieur de GE, Dale G. Bridenbaugh, a contesté publiquement les capacités de résistance du réacteur Mark I de GE à une perte de refroidissement. Le rapport de la Diète ajoute que les enceintes de confinement de Fukushima ont été renforcées dans les années 1980, mais que « ce renforcement n’était pas prévu pour résister à des accidents d’une telle ampleur ». Le rapport conclut que durant l’accident du 11 mars 2011, la pression à l’intérieur des enceintes de confinement dépassait largement le dimensionnement, atteignant parfois près du double des capacités prévues dans le cas de l’unité 1.

Des anciens employés de GE se souviennent que TEPCO a délibérément choisi de passer outre l’avis de ses ingénieurs et de conserver la conception originale de GE en plaçant les groupes électrogènes de secours à moteur diesel et leurs batteries dans le sous-sol des enceintes de la turbine. Cette négligence a engendré des conséquences désastreuses au cours de l’accident. Mitsuhiko Tanaka, ancien ingénieur d’Hitachi, avait participé à la construction de la cuve sous pression du réacteur de l’unité 4. Dans les dernières étapes de la construction, l’intégrité de la cuve était dangereusement compromise, ce qui aurait légalement dû obliger Hitachi à s’en défaire. Mais, risquant la faillite, Mitsuhiko Tanaka indique que la compagnie a dissimulé les défauts et finalement installé la cuve sur le site de Fukushima.
En septembre 1989, l’autorité de sûreté nucléaire américaine (Nuclear Regulatory Commission, NRC) a encouragé les propriétaires de réacteurs Mark I à installer des systèmes d’éventage dits « renforcés » pour empêcher une défaillance grave du confinement en cas d’accident. Ces gaines étaient censées faciliter le contrôle de la baisse de pression au sein du bâtiment de confinement. Au cours de l’accident de Fukushima, ces dispositifs se sont avérés inefficaces, et l’absence de filtres a aggravé les rejets radioactifs.

La responsabilité civile dans le domaine nucléaire en France

De par sa spécificité, l’industrie nucléaire peut causer des dommages dont les conséquences se feront sentir sur plusieurs générations mais aussi pourraient s’étendre au-delà du seul pays de l’accident. À partir des années 60, une réflexion internationale s’est engagée autour de la mise en place d’un système de responsabilité civile spécifique au nucléaire.*

Pour que le système de responsabilité soit efficace, il doit s’appliquer à la fois aux Etats pouvant être à l’origine d’un dommage nucléaire et à ceux pouvant en être victimes. Réunir au sein d’un même système des intérêts divergents n’a pas été possible. Ainsi, la responsabilité civile nucléaire telle que définie par les conventions internationales ne s’applique pas à l’ensemble des pays concernés par le risque nucléaire puisque seulement la moitié des 438 réacteurs du monde se trouvent dans un pays signataire. Surtout, le régime mis en place par ce système international est très restrictif et protège plus l’industrie que les potentielles victimes. Par ailleurs, l’expérience des accidents nucléaires passés tant celui de Tchernobyl que celui de Fukushima ont démontré que le bilan sanitaire et économique d’un accident nucléaire majeur était non seulement difficile à évaluer mais aussi terriblement élevé, laissant penser que le risque nucléaire n’est pas assurable.

En France aujourd’hui, EDF assure ses réacteurs pour 91,5 millions d’euros par réacteur, en accord avec les textes des anciennes conventions en vigueur dans les années 60. Dans son rapport de janvier 2012 sur les coûts de production de l’électricité nucléaire, la Cour des comptes elle-même reconnaît que le plafond de responsabilité de l’exploitant nucléaire en France est très bas et pourrait amener l’Etat à indemniser des dommages au-delà de ce seuil.

Texte intégral du rapport de Greenpeace International



Refuznik


Accueil (Place du village)

Haut de page