"Désormais ce qui compte en France pour réussir ce n’est plus d’être bien né, c’est d’avoir travaillé dur et d’avoir fait la preuve par ses études, par son travail, de sa valeur", ose Nicolas Sarkozy en présentant sa réforme des lycées, en pleine levée de boucliers contre la "nomination" de son fils à la tête de l’Etablissement public de La Défense (Epad). La provocation est si énorme qu’on croirait entendre un opposant expliquer en quoi le fiston est justement totalement illégitime pour occuper ce poste ! Rappellons que Jean Sarkozy, à 23 ans, redouble sa deuxième année de droit après avoir redoublé la première ! Mais sa ligne de défense, répétée en boucle par les tartuffes sarkozystes, est qu’il ne s’agit justement pas d’une nomination. Ce qui est hélas exact.
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"Jamais, depuis le début de mon parcours, je n’ai été nommé. Je tire ma légitimité de l’élection et du suffrage universel. Je suis un élu comme les autres, quel que soit le nom que je porte, quel que soit l’âge qui est le mien quelles que soient mes activités par ailleurs. Je suis un élu de la République", déclare-t-il hier soir sur France 3. Jean Sarkozy est en effet Conseiller général des Hauts-de-Seine du canton de Neuilly-sur-Seine-Sud. C’est là que le bât blesse : à cet endroit, être candidat UMP représente la garantie d’être élu. Et Jean Sarkozy n’a pas été désigné par sa formation à l’issue de primaires, qui auraient vu ses militants voter pour le candidat. Non, il bénéficia déjà d’un passe-droit en étant propulsé, via la formalité de l’élection dans un territoire gagné d’avance, au Conseil général. Et on sait bien qui tire les ficelles et décide de tout à l’UMP : son père. Voilà donc comment l’héritier peut revendiquer une illusoire légitimité tirée du suffrage universel. Ce qui nous fait irrésistiblement penser par sjexemple à une Rachida Dati, candidate aux municipales dans un arrondissement de Paris où elle ne pouvait qu’être élue.
Autre cas particulièrement exemplaire, la jeune Sophie Joissains. Sa maman Maryse Joissains-Masini est députée-maire d’Aix-en-Provence. Directrice de cabinet de sa mère à la Communauté du Pays d’Aix de 2002 à 2008, elle aurait tout de même besoin d’un mandat électif, histoire d’asseoir une légitimité : il suffit de demander ! Maman l’inscrit sur sa liste pour les dernières municipales et hop ! La voilà élue. Plus fort encore : à la surprise générale, Sophie Joissains se retrouve immédiatement bombardée en deuxième position de la liste UMP pour les dernières sénatoriales. Ce qui la propulse automatiquement jusqu’au Palais du Luxembourg. Que s’est-il passé ? Maman Maryse l’a demandé au sénateur-maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, comme le raconte Hervé Vaudoit dans La Provence : "Gaudin n’a pu que se plier aux exigences de celle qu’il appelle "la dame d’Aix". Avait-il le choix ? Pas vraiment.
Politiquement affaibli par le dernier combat municipal et - surtout - par la perte de la communauté urbaine - dont il avait promis la présidence à Renaud Muselier - le sénateur-maire de Marseille ne pouvait prendre le risque d’une liste dissidente à droite. Ce dont Maryse l’aurait menacé s’il continuait de dire non à sa fille. Membre du bureau national du Parti radical valoisien, Sophie avait la possibilité de monter sa propre liste. Avec quelques petites chances d’être élue, mais surtout la certitude de coûter un, voire deux sièges de sénateurs à Gaudin." Et voilà le travail : à 38 ans, après six mois d’expérience de conseillère municipale, Sophie Joissains est désormais sénatrice.
Voilà où en est la démocratie française aujourd’hui : une caste de notables qui s’auto-perpétue en faisant mine de demander son avis au peuple, avec la complicité d’électeurs godillots. Ce système est pourri. Il est temps d’inventer autre chose.