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Attac au bord du déchirementSource : Le Courrier
L’association phare de l’altermondialisme européen est secouée depuis un an par une crise interne. Loin de se résumer à des conflits de personne, la fracture consacrée à la dernière assemblée générale révèle deux visions politiques. Une profonde « détresse ». C’est ce qu’ont publiquement exprimé les adhérents d’Attac présents à l’assemblée générale de Rennes, les 17 et 18 juin dernier. Les militants altermondialistes ont découvert l’ampleur de la fracture qui divise direction et personnalités emblématiques d’Attac. Leur désarroi est tel qu’ils ont demandé aux « deux tendances » de préciser leurs positions respectives, alors qu’une moitié des nouveaux élus au conseil d’administration annonçaient leur refus de siéger, dénonçant des « anomalies » dans le scrutin interne et le « caractère statistiquement aberrant » du résultat. En clair, ils accusent la direction sortante d’avoir truqué les élections en échangeant plusieurs centaines de bulletins envoyés par correspondance. Un débat de plus en plus réduit à des invectives, des stratégies d’appareil, des accusations de bourrage d’urnes... Comment, huit ans après sa constitution, Attac, dont l’ambition affichée était de « faire de la politique autrement », en est-elle arrivée là ? Initialement lancée en 1998 par Le Monde diplomatique, des organisations syndicales, des associations de solidarité internationale ou des personnalités, tous réunis au sein d’un « collège des fondateurs », l’association se développe de manière fulgurante et s’implante localement. Le « mouvement d’éducation populaire » apparaît aux yeux de nombreux sympathisants de gauche comme un nouvel espace de réflexion et d’action, loin des sectarismes ou des lourdeurs des appareils politiques et syndicaux. Attac contribue à vulgariser les analyses critiques de la mondialisation libérale et de ses conséquences hexagonales (licenciements boursiers, menaces sur les services publics...) comme planétaires (dette des pays pauvres, politiques néfastes du FMI ou de l’OMC...). Investie dans la préparations des forums sociaux, elle accompagne l’émergence sur la scène internationale du mouvement altermondialiste. Une alchimie complexe Au début des années 2000, le nombre d’adhérents avoisine les 30000. Mais l’indéniable réussite est porteuse de menaces. « Son projet constitutif a toujours été une véritable gageure : comment faire travailler ensemble dans la durée des militants issus de courants aussi divers, de la gauche républicaine aux écologistes radicaux en passant par des tiers-mondistes, des marxistes, des sociaux-démocrates keynésiens et aussi des jeunes arrivant à la politique par des mobilisations alter ? », résume Thomas Coutrot, économiste et membre du conseil scientifique. Facteur incontestable de son succès, cette pittoresque alchimie politique va peu à peu se retourner contre elle. Au nom du consensus, on rechigne à mener des débats politiques de fond. L’identité diverse mais floue est mal assumée par certains. Crise interne Malgré son rôle dans la victoire du non au référendum sur un traité constitutionnel européen qu’elle juge néolibéral, Attac peine à placer les thématiques qui lui sont chères au coeur du débat politique. La campagne présidentielle de 2002, centrée autour de la question sécuritaire, en est une triste illustration. Plus grave, depuis un an, une crise interne paralyse progressivement l’association. La direction actuelle, autour de son président d’honneur, Bernard Cassen (directeur général du Monde diplomatique) et de son président, l’économiste Jacques Nikonoff, est vivement critiquée par une majorité de membres fondateurs et plusieurs comités locaux. Ceux-ci lui reprochent, sur la forme, des « méthodes de direction » pratiquant « en permanence le passage en force » et, sur le fond, sa volonté de transformer Attac en nouvelle chapelle politique, citant pour exemple la tentative avortée de lancer des listes « 100% Alter » aux dernières élections européennes, son mépris affiché pour plusieurs composantes du mouvement social ou sa vision souverainiste de la construction européenne. De leur côté, Bernard Cassen et Jacques Nikonoff dénoncent le risque de « cartellisation » et de « dilution » de l’association dans des projets plus vastes et accusent certaines organisations fondatrices, en particulier les syndicats (CGT, Sud, FSU, Confédération paysanne...), de craindre qu’Attac leur fasse de l’ombre. L’ultime étape L’assemblée générale de Rennes était donc perçue comme l’ultime étape d’un affrontement qui ne disait pas son nom, gardant, pour les observateurs non avertis, l’apparence d’un conflit de personnes. Deux listes « officieuses » se faisaient concurrence, celle des partisans de Nikonoff et celle proposée par Susan George, vice-présidente de l’association et emblème de la lutte contre la mondialisation libérale. Les adhérents étaient implicitement invités à choisir entre deux visions d’Attac sans que celles-ci soient clairement explicitées : une organisation plus centralisée, à tendance souverainiste de gauche, et une association tentant de préserver sa diversité d’origine et continuant d’être un laboratoire d’idées. Les fortes suspicions de fraude électorale, qui auraient permis à la liste Nikonoff de gagner d’une courte majorité, viennent d’ajouter une crise éthique à la crise politique. Nul ne sait quand ni comment elle se résoudra, et si Attac sera en mesure de jouer un rôle dans la campagne présidentielle qui s’annonce. VF-le 22/08/06- Jacques Nikonoff président du conseil d’administration , a accepté le principe de nouvelles élections .
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