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Le sarkozisme ou le mensonge érigé en systèmeSource : Blog Plume de presse d’Olivier Bonnet / 07 septembre 2007 Vous aurez décidément tout lu sur Plume de presse : une défense de Christine Lagarde ! Parce qu’autant nous ne loupons pas notre ministre de l’Economie quand elle ment effrontément, par exemple en prétendant que la défiscalisation des heures supplémentaires va permettre à tous les Français de travailler plus pour gagner plus - affirmation qui ne gêne personne à droite puisque c’est la contre-vérité officielle -, autant nous la soutenons lorsque Lagarde dit la vérité et que tout son camp lui tombe dessus. De quelle déclaration est-il question ? En annonçant les suppressions d’emploi dans la fonction publique, la pasionaria libérale a parlé de "plan de rigueur". Logique : c’est bien de cela qu’il s’agit, à proprement parler d’un dégraissage. "Pas du tout !", s’offusquent alors avec une belle unanimité le Premier ministre François Fillon et le Secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant. "Plan de revalorisation", rectifie même ce dernier. Rappelons-lui pour commencer l’article 20 de la constitution : "Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. (...) Il est responsable devant le Parlement". Autrement dit, les élus du peuple disposent du pouvoir de révoquer un gouvernement qui n’aurait plus sa confiance. C’est un mécanisme démocratique, un garde-fou (souvent théorique à cause du phénomène des majorités godillot, mais tout de même). Guéant, lui, n’est pas premier responsable devant le Parlement. La fonction de Secrétaire général de l’Elysée n’existe même pas dans la constitution ! En se répandant constamment dans les médias pour expliquer la politique menée (comme sur GDF-Suez par exemple), Guéant n’a donc aucune légitimité démocratique. Si, le fait du prince : sa Majesté Sarkozy a décidé que son serviteur - il n’est qu’un fonctionnaire employé au service de la présidence - aurait plus de poids que le Premier ministre qui tient pourtant, lui, ses attributions de la constitution : "Le Premier Ministre dirige l’action du Gouvernement" (article 21). Refermons la parenthèse. "Plan de revalorisation", donc, prétend Guéant. Ce le serait si avait été annoncée une augmentation des moyens accordés à la fonction publique ou du traitement des fonctionnaires. Or, on ne nous a encore parlé que de suppressions de poste. La revalorisation pour ceux qui restent en est au stade des vagues promesses. Il est donc parfaitement inexact de présenter cette mesure comme une revalorisation. Seulement, le mot rigueur est impopulaire. Alors on le remplace par une expression beaucoup plus séduisante. Quitte à tordre le cou à la réalité. Une habitude en Sarkozie. "La réalité n’a aucune importance, il n’y a que la perception qui compte",a dit Laurent Solly, alors directeur de campagne du candidat UMP à la présidentielle (depuis bombardé à la tête de TF1), cité dans le livre de Yasmina Reza (L’Aube le soir ou la nuit, chez Flammarion/Albin Michel). Magnifique aveu. A travers cette phrase est expliqué tout le sarkozisme. On est dans le domaine du faux-semblant, du trompe-l’oeil, de la communication reine destinée à travestir la réalité. Une vraie entreprise de propagande totalitaire au sens orwellien du terme : dans 1984, l’un des slogans du pouvoir n’est-il pas "La vérité, c’est le mensonge" ? A mettre en parallèle avec cette autre phrase du roman, "La liberté, c’est l’esclavage", qui illustre parfaitement la prétendue défense de la valeur travail, autre dada de Sarkozy, qui n’est en fait que l’éloge de l’aliénation. C’est le mensonge érigé en système : on prend un mot dont on détourne le sens pour lui faire dire l’inverse de ce qu’il signifie. Ainsi, la "TVA sociale". La Taxe sur la Valeur Ajoutée, pour revenir aux fondamentaux, est un impôt indirect. L’impôt direct est juste, parce qu’il est dégressif. Les riches paient des impôts (le "paquet fiscal" les a pour eux fortement baissés, mais pas totalement supprimés, partie remise ?), et les pauvres n’en paient pas. Or chacun s’acquitte de la TVA de la même façon. Le milliardaire comme le SDF, exactement à hauteur de la même somme. Par conséquent, cet impôt indirect pèse beaucoup plus lourd pour les démunis que pour les privilégiés (rapporté à leur pouvoir d’achat). La TVA est ainsi objectivement un impôt injuste. Mais comme son augmentation est impopulaire - et pour cause ! -, on va l’appeler "TVA sociale". Et même ainsi dénommée de façon plus sympathique, il ne fallait surtout pas en parler avant les législatives : toute la droite était tombée sur Jean-Louis Borloo, piégé par Laurent Fabius qui l’avait poussé à avouer que son augmentation était bien à l’étude. Ce qui est le cas. Mais le dire équivaut à risquer de voir sa popularité chuter, il convient donc de faire ses coups en douce, sans surtout en informer l’opinion publique. C’est ainsi que l’on s’empresse de contredire précipitamment Lagarde, qui ne devrait pas présenter la gestion de la fonction publique de ce gouvernement pour ce qu’elle est, à savoir l’application d’un plan de rigueur. Cynisme et immoralité politique ! François Fillon, lui aussi prince des menteurs, avait pourtant osé titrer son livre paru l’année dernière : "La France peut supporter la vérité". Sauf que non : il faut lui faire croire que supprimer des postes à tour de bras parmi les fonctionnaires constitue une revalorisation et que la TVA est un impôt social ! Et si nous prétendons que les sarkozistes ont érigé le mensonge en système, c’est qu’existent d’autres exemples flagrants de cette pratique du hold-up sémantique. Prenons ainsi la loi Dati dite de "lutte contre la récidive" : en instaurant les peines plancher - pour des motifs populistes -, elle pousse à davantage d’incarcérations, or les chiffres sont clairs, qui prouvent que les personnes ayant séjourné en prison récidivent bien davantage que celles qui ont bénéficié de peines alternatives. ce qui s’explique aisément : véritable "école de la délinquance", où se côtoient petits caïds et voyous chevronnés, la prison est en elle-même criminogène. Voilà donc comment, en prétendant lutter contreprison la récidive, la loi Dati aura pour effet inévitable de l’aggraver ! Ajoutons, pour la bonne bouche, que ce texte est justifié par un autre mensonge, martelé jusqu’à la nausée par Sarkozy durant la campagne : que 50% des crimes seraient commis par des récidivistes. Il l’a dit une première fois dans A vous de juger sur France 2, puis dans Ripostes sur France 5, en décembre 2006, répété en mars 2007 dans une deuxième émission d’A vous de juger et encore une quatrième fois en avril, sur le plateau du 20 heures de TF1. Or seuls 32% des crimes sont élucidés. Prétendre que la moitié d’entre eux est le fait de récidivistes n’a donc strictement aucun sens, puisqu’on ignore l’identité de 68% des criminels ! "Plus le mensonge est gros, mieux il passe", analysait un connaisseur, Joseph Goebbels, ministre de la propagande du IIIème Reich. Et le führer lui-même écrivait dans Mein Kampf : "Un mensonge répété dix fois reste un mensonge. Répété 10 000 fois, il devient une vérité". Il faut dire que la mollesse de nos médias n’aide pas à révéler l’imposture. Pour l’exemple des récidivistes, seul le magistrat Serge Portelli l’a contredit dans Ripostes. Ni PPd’A, ni Arlette Chabot - et il l’a dit deux fois devant elle en trois mois - n’ont "moufté". Alors quelques titres ont beau s’égosiller, à commencer par Le canard enchaîné, mais aussi parfois Marianne, Libération ou Le Monde - pas souvent dans ce dernier cas -, la force de la parole officielle demeure. On ne lutte pas contre l’audience cumulée de la télé et de la presse des Lagardère, Bolloré et Dassault. Sarkozy peut bien mentir impunément, sur Bolloré, justement, sur les infirmières bulgares, sur son appartement de l’Île de la Jatte, il ne craint nulle sanction politique. Au contraire, il s’est fait élire de façon relativement confortable (42,63% des inscrits et non "53% des Français", faut-il tout de même rectifier) et surfe aujourd’hui, à en croire les sondages, sur une popularité au zénith. Pas de raison qu’il s’en prive.
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