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Frégates de Taïwan : l’enterrement de première classeSource :Plume de presse. Le blog "coup de coeur". / Dimanche 10 août 2008
Le parquet requiert un non-lieu général Dans l’affaire des frégates de Taïwan, le parquet a requis le non-lieu général et le juge Van Ruymbeke s’apprête à la suivre. Pourtant, d’après Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères au moment des faits, l’identité de ceux qui se sont mis dans les poches quelque trois milliards de francs est "un secret de polichinelle". Qu’on le force donc à le révéler ! Récapitulatif de toute l’affaire. Ainsi donc, Jean-Claude Marin, procureur de Paris, a requis le 6 août dernier un non-lieu général dans l’affaire des frégates de Taïwan. Pour situer le personnage, citons Bakchich.info : "Doté d’un grand sens politique, il a d’abord été balladurien, pour virer chiraquien, avant de tourner sarkozyste, avec à chaque fois un objectif : sa carrière". Mais son "grand sens politique" et son carriérisme ne sont en l’occurrence pas seuls responsables de l’issue de cette affaire. Sa décision est en effet motivée par le fait que l’enquête "n’a pas permis d’identifier les bénéficiaires" des pots de vin, dits rétrocommissions, versés en marge de la vente par la France de six navires à Taïwan. Et pour cause : quatre ministres ont successivement opposé le "secret défense" à la Justice, quand elle souhaitait consulter les documents douaniers qui accusent ces fameux bénéficiaires. Laurent Fabius, Michel Charasse, Francis Mer et Thierry Breton sont donc directement responsables de ce scandaleux déni de justice. Et à travers eux, l’ensemble de la classe politique des "partis de gouvernement", le PS comme l’UMP. Les deux bords sont en effet mouillés, comme le rappelle L’Humanité : "En juillet 2006, l’ancien ministre socialiste de la Défense, de 1997 à 2002, Alain Richard, assurait au juge Van Ruymbeke, sans en apporter la preuve, que des commissions avaient bien été versées à des « personnes physiques françaises », sous l’autorité du président François Mitterrand, puis du premier ministre de cohabitation, Édouard Balladur." L’affaire avait fait l’objet d’un premier article de Plume de presse, en date du 23 mai 2006 : "Cinq milliards de francs de commissions occultes et six morts pour étouffer le scandale. On ne connaît toujours pas aujourd’hui la vérité : « secret défense » !", résumions-nous alors. L’occasion est idéale pour republier une partie de ce papier : "En 1991, la France vend à Taïwan six frégates de guerre de la classe Lafayette, fabriquées par Thomson, pour un montant de 2,8 milliards de dollars. En novembre 1992, James Kuo, dirigeant de la Société générale de Taïwan, qui avait conçu le montage financier de la vente des frégates, est trouvé mort, défenestré. Le premier d’une longue série de décès suspects d’acteurs proches du dossier. Le 10 décembre 1993, le corps du capitaine Yin Chin-feng, officier responsable des achats de la marine de Taïwan, est retrouvé dans le port de Taipai, portant des traces de violents coups à la nuque. Il s’apprêtait à révéler un scandale financier. Le soir du 10 octobre 2000, Thierry Imbot, officier de la DGSE (contre-espionnage français) chargé de la vente de six frégates à Taïwan, tombe du quatrième étage de son immeuble parisien. L’enquête conclut à une mort accidentelle, suite à une « réparation de volet ». Le gardien de l’immeuble s’étonne : « je suis formel, tout était éteint dans l’appartement au moment de la chute ». Le père de Thierry Imbot, qui n’est autre que l’ex-directeur de la DGSE, le général René Imbot, fait observer : « Quand on tombe d’une fenêtre, on tombe à la verticale. Le corps de mon fils était bien plus loin ». Sa tête est en effet à 4,5 mètres du mur. Le général révèle enfin que, peu avant sa mort, son fils lui avait confié que le contrat des frégates avait permis à certaines personnes en France de se constituer des « fortunes » et faisait état de menaces de mort pesant sur lui. En mars 2001, Jean-Claude Albessard, ancien haut cadre de Thomson responsable du marché des frégates, décède à son tour, d’un « cancer foudroyant ». « Quelques jours avant, il était à son bureau et personne ne le savait malade », assure un de ses collègues. Le 18 mai 2001, Jacques Morisson, un cadre de haut niveau chargé chez Thomson des relations avec Taïwan, décède lui aussi, à l’issue d’une chute de cinq étages. Il habitait au deuxième mais aurait emprunté l’escalier de service pour monter au cinquième et se défenestrer. L’enquête conclut à un suicide. En 2001 toujours, Yves de Galzin, ex-représentant des missiles Matra à Taïwan, est enfin victime d’un « accident thérapeutique ». Sans compter que Jean-Luc Lagardère lui-même, patron de Matra, décède en mars 2003 d’une maladie nosocomiale, dont le corbeau Gergorin prétend qu’elle serait un empoisonnement criminel ! Au moment de la vente des frégates, Roland Dumas (PS) est ministre des Affaires étrangères. Il parlera neuf ans plus tard, en 2000, de commissions pharaoniques, d’un montant de 5 milliards de francs, versées pour l’occasion à des intermédiaires chinois, de Pékin et de Taipei, selon la version officielle. « À des responsables industriels et à des hommes politiques français, selon toute vraisemblance », complète Le Nouvel Observateur. Certaines de ses sommes transitent sur des comptes de la chambre de compensation financière luxembourgeoise Clearstream (...). Chaque fois que des juges veulent enquêter en profondeur, il leur est opposé le « secret défense » (à l’occasion partiellement levé, mais jamais jusqu’à pouvoir atteindre le fond de l’affaire). D’abord en avril 2002 par Laurent Fabius (PS), alors ministre de l’économie, par son successeur Francis Mer (UMP), en juin de la même année, puis en janvier 2004 par Pierre Brochand, le directeur de la DGSE, avant qu’il ne soit à nouveau invoqué en mai 2004 par Michel Charasse (PS), ministre du budget à l’époque de la vente. Dernier épisode en date, raconté par Le Point : l’année dernière, des juges viennent perquisitionner à Bercy pour une autre affaire et « tombent » sur des documents relatifs à l’affaire des frégates, dans le coffre du directeur de cabinet de l’actuel ministre de l’Économie Thierry Breton, Gilles Grapinet. Ils préviennent alors immédiatement leurs collègues chargés des frégates. Mais Grapinet refuse que le dossier soit saisi : « secret défense », encore et toujours !" Dans un deuxième billet consacré à l’affaire le 5 octobre 2006, nous revenions à la charge : "Dans un long entretien publié aujourd’hui dans la revue Le Meilleur des mondes, Nicolas Sarkozy affirme rejeter "la notion de secret ou de raison d’Etat". Il s’explique en mettant en bretonavant le contexte de la mondialisation où "l’on sait tout et en temps réel". Fort bien. Il devrait le dire à son collègue de l’Économie et des finances : on a appris aujourd’hui par l’entourage de Thierry Breton que Bercy a décidé de refuser de remettre à la justice les documents détenus par les services des douanes, dépendant de son ministère, concernant la vente des frégates à Taïwan en 1991." Retour en 2008 avec la réaction de Roland Dumas au non-lieu général requis par le parquet : il ne le juge "pas glorieux pour la justice française qui n’a pas pu franchir le barrage des pouvoirs publics sur le secret défense". On ne saurait lui donner tort. Mais là où ça devient plus intéressant encore, ce qui vaut à ce présent article son référencement dans notre rubrique La phrase du jour, c’est lorsqu’on lit cette déclaration de Dumas dans les colonnes de Libération : "« Il ne restera rien de cette affaire si ce n’est un arrière-goût désagréable », a-t-il ajouté, en réaffirmant connaître l’identité des bénéficiaires de ces supposées rétrocommissions. « Beaucoup de gens qui étaient à ce moment-là dans le gouvernement, dans les responsabilités de la haute administration, le savent également. C’est un secret de polichinelle... » a-t-il dit." Pardon ? Seule la justice ignorerait donc dans quelles poches a abouti une somme évaluée à rvrtrois milliards de francs, l’identité des heureux récipiendaires étant un secret de polichinelle ? Mais alors, Monsier le juge Renaud Van Ruymbeke, il ne faut pas classer l’affaire ! Rappelons en effet que mettre un point final au dossier ne saurait être la décision du parquet seul et que le magistrat est tout à fait libre de ne pas le suivre et ainsi de ne pas prononcer le non-lieu général. Van Ruymbeke devrait donc réentendre Roland Dumas et exiger de lui qu’il livre à la justice, rendue au nom du peuple français, le nom de tous ces anciens membres du gouvernement et responsables de la haute administration qui partagent le secret de polichinelle, les forcer à témoigner à leur tour pour que tous livrent l’identité des bénéficiaires des rétrocommissions. Puisque tout le monde les connaît. On parie qu’il n’en fera rien ? PS : dans cette affaire, condamné en première instance à six mois de prison ferme lors du procès des abus de biens sociaux commis aux dépens d’Elf, Roland Dumas a fait appel et a été relaxé par la cour d’appel de Paris en 2003. Sa maîtresse, Christine Deviers-Joncour, qui s’est surnommée dans son autobiographie La putain de la République, a par contre été condamnée.
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