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Sarkcutage
Le garrot pour les collectivités localesSource : Darmian.net / Mercredi 3 juin 2009
A priori, il vaut mieux, par les temps qui courent, ne pas trop se rendre à Paris quand on appartient à la caste des besogneux, c’est-à-dire celles et ceux qui croient encore en quelques valeurs politiques. Il se trouve, en effet, que je représente, par délégation d’Yves Lecaudey, Vice-Président ayant en charge les finances départementales, le département de la Gironde au sein de la commission des finances de l’Association des Départements de France. Cette structure mène actuellement, solidairement avec l’Association des Régions et l’Association des Maires, les « pourparlers » avec le gouvernement sur l’annonce de Nicolas Sarkozy concernant la suppression de la taxe professionnelle. Enfin, le mot « pourparlers » est erroné puisqu’à ce jour, il n’y a eu aucune proposition concrète de remplacement de ce mode de financement des collectivités locales lors des deux seules réunions organisées. L’une d’entre elles a failli ne pas avoir lieu, car les spécialistes du Ministère des Finances n’avaient aucune proposition à présenter. Pris de cours par un énième effet d’annonce présidentiel, les services de Bercy demeurent incapables de trouver des solutions fiables à cette suppression de la taxe la plus dynamique pour les communes, les Communautés de toutes formes et les départements. Ils tâtonnent, balbutient, avancent, puis reculent sous la pression de la Jeanne d’Arc du Medef, qui a annoncé haut et fort : « s’il y a suppression de la TP il n’est pas question de la remplacer par un autre impôt ! » Or, on sait que c’est elle qui commande ! Le seul constat, c’est que lors de la commission qui s’est tenue hier, tous les élus présents de droite (ils ont été muets) ou de gauche (blasés et consternés) sont ressortis de la salle KO debout ! Les maigres avancées gouvernementales conduiront inévitablement au dépôt de bilan de conseils généraux, de communautés de communes ou même de communes... Ce n’est en effet qu’un ramassis de pièges, de duperies, de trucages en tous genres, servant à étrangler les collectivités locales et à les contraindre à ne plus emprunter, à licencier du personnel, et à augmenter les impôts locaux jusqu’à la limite de l’insupportable ! Il n’y aura aucun autre but : le pouvoir local doit céder, pour aider la France mal gérée, endettée pour son fonctionnement, ravagée par des exonérations sociales dévastatrices, en récession économique, et donc incapable de respecter les critères de Maastricht. On va lentement garrotter les forces d’opposition potentielle en leur coupant les vivres ! LES REGIONS MUSELEESLe cabinet Michel Klophte, spécialisé dans les finances locales, a dressé un diagnostic à faire sombrer dans la plus profonde dépression n’importe quel élu chargé des budgets et de leur exécution. D’abord, il faut noter que les régions perdraient, de fait, leur autonomie financière (alors que l’on veut renforcer leur rôle !), puisque leur budget viendrait d’une part de la taxe sur ...les cartes grises, et la TIPP (taxe sur les produits pétroliers) de la cotisation minimale de Taxe... Professionnelle, et d’autres dotations complémentaires dont Bercy ignore encore la nature. Il n’y aurait plus de colonne région sur la feuille d’imposition locale directe, mais tout le monde serait mis à contribution par un impôt indirect ne tenant absolument aucun compte des niveaux de vie. Autonomie réelle de gestion : 0 contre un levier fiscal antérieur de 4,61 ! Pour cet échelon, ce sera une tutelle pure et simple, avec des recettes non maîtrisées par les élus mais collectées et décidées par l’Etat ! Les départements sombrent aussi, voyant passer leur levier fiscal direct de 19,03 à...5,78 puisque, eux aussi, seront alimentés par des dotations indirectes que sont la cotisation minimale de TP (sans vote des taux !), la TIPP (vive la bagnole et le camion), la taxe sur les... contrats d’assurances (TSCA) et des dotations complémentaires hasardeuses car indéterminées à ce jour. Il resterait aux conseils généraux la maîtrise du Foncier bâti pour sa part départementale, les Droits de mutation (part de l’Etat). Or c’est un piège grossier car la TIPP stagne, la TSCA baisse (sinistralité en chute et primes aussi) et les droits de mutation s’effondrent ! En fait, c’est une recette fiable et autonome à laquelle on substituerait des impôts indirects injustes, en perte de vitesse, et totalement en contradiction avec les options du développement durable. La Taxe intérieure sur les produits pétroliers s’amenuise malgré l’augmentation du trafic puisque le nombre de véhicules diesel est passé en France de 4 à 62 % en 20 ans, et on connaît le poids du lobby routier pour s’opposer à tout ajustement du montant de la TIPP. En fait, pour faire plaisir à Madame Parisot, on va transformer le parc automobile français en « tout gazole » et on va transfèrer les difficultés des relations avec les camionneurs sur les collectivités locales ! En fait, ces compensations de bric et de broc, sans aucune cohérence, visent à contraindre les conseils généraux à abandonner d’eux-mêmes la clause de compétence générale qui leur permet de rester proches des communes ! Suprême habileté que personne ne verra, l’Etat se débarrasse actuellement de toutes les compensations qu’il verse aux collectivités locales pour masquer partiellement les exonérations faites aux entreprises ! Il n’aura plus à les débourser ! COMMUNES EN PERILLes communes et les Communautés de communes s’en tireraient un peu mieux. Elles continueraient à maîtriser toute la taxe d’habitation, le Foncier non bâti, le foncier bâti, la TP pour sa part foncière (création d’un foncier bâti professionnel), une taxe locale commerciale, une taxe sectorielle, une part des droits de mutation, actuellement récupérés par l’Etat, et des dotations supplémentaires encore inconnues ! A l’arrivée le levier fiscal direct des communes passerait de 39,25 à 38,06 soit un recul qui paraît minime. En fait, il ne faut pas oublier que les maires taxeront leurs administrés, et non plus les entreprises qu’ils ont souvent contribué à installer sur leur territoire ! En définitive, on oubliera très vite que la seule certitude sur laquelle peuvent compter les Maires, ce sera l’imposition sur les ménages, et on sait bien, à Paris, qu’ils hésiteront à ponctionner leurs électrices et leurs électeurs qui réclament pourtant toujours plus, en espérant participer toujours moins à la couverture de leurs besoins sociaux. Ces braves contribuables, un zeste poujadistes, oublieront que la part de péréquation de la TP qui venait des écrêtements des plus grosses taxes professionnelles (centrales nucléaires, grandes usines...) et qui transitait par le Conseil général, va disparaître ! Ils éluderont les subventions sur investissements ou fonctionnement que les départements et les régions ne pourront plus donner. En définitive, cette compensation aura des conséquences notoires sur le fonctionnement quotidien de la proximité et obligeront les maires à concéder au secteur marchand, sous une forme ou une autre, bon nombre des services publics qu’ils gèrent. On va vers la privatisation des structures d’accueil de la petite enfance, des écoles maternelles, de la restauration scolaire, de la dépendance du 3ème et du 4ème âge, des loisirs et même du sport....pour ne citer que des secteurs déjà attaqués. DES ARRIERES PENSEESCette réforme, lancée comme un pavé dans une vitrine, va conduire à l’émiettement absolu des concepts de la gestion locale. Soumission à l’Etat dispensateur de mannes, qui s’étioleront au fil des ans, course à l’habitant pour avoir des produits stables, suppression des services de proximité, reprise en main des effets de la décentralisation. L’opération se déroulera en deux temps : fin septembre, début octobre, le Parlement se penchera sur le pseudo mille feuilles territorial. Nicolas Sarkozy va affaiblir les « taureaux » qui tournent autour de lui dans l’arène (majorité des conseils régionaux et des conseils généraux des grandes villes pour la Gauche) avec des banderilles. Il poursuivra ensuite, dans la loi de finances, le travail commencé, en agitant, en pleine crise sociale, les chiffons rouges de l’augmentation des impôts locaux et il se présentera, en pleine arrivée des feuilles d’imposition, comme le défenseur des contribuables, accablés par ces élus dépensiers. La République française va souffrir, car sous prétexte d’ économies, on détruit son tissu démocratique, et surtout on met à mal le principe de la participation équitable à l’effort collectif, via les impôts directs. En transformant la fiscalité en ponction sous forme de taxes à la consommation, on se prépare des lendemains angoissants. Chaque année, les budgets seront aléatoires, et donc la prise de risque sera constante pour des élus qui, rappelons-le, décident de 73 % des investissements publics en France. Il est sûr que ce projet mal ficelé, inutile dans la période actuelle (des ajustements pouvaient être envisagés sans cette annonce à l’emporte pièce), véritablement politicien, va animer la rentrée. On en oubliera presque une gestion gouvernementale qui ne peut pas afficher un seul résultat positif. Sauf peut-être dimanche soir, vers 22 heures, où ce sera le triomphe UMP ! Jean-Marie DARMIAN
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