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La Commune à l’œuvre
Les idéaux de la Commune (1871)(2)Source : Wikipédia Le cadavre est à terre et l’idée est debout. Victor Hugo Dès le 29 mars, le Conseil de la Commune forme en son sein dix commissions : exécutive, militaire, subsistance, finances, justice, sûreté générale, travail, industrie et échanges, services publics et enseignement. Le 21 avril le Conseil décide qu’un membre de la commission exécutive est « délégué » auprès de chacune des neuf autres commissions pour en diriger les travaux. Gustave Cluseret devient délégué à la Guerre (remplacé le 1er mai par Louis Rossel lui-même remplacé le 10 mai par Charles Delescluze) ; Auguste Viard est Délégué aux Subsistances ; Édouard Vaillant à l’enseignement ; Raoul Rigault à la Sûreté générale (où il sera remplacé le 24 avril par Frédéric Cournet, puis le 13 mai par Théophile Ferré) ; Léo Fränkel, est nommé au Travail, à l’Industrie et aux Échanges ; Jules Andrieu est aux Travaux publics. Le Comité de Salut public, créé le 28 avril, dont les attributions n’ont pas été précisées, vient empiéter sur celles des commissions et crée une certaine confusion (qui aboutira le 10 mai à la démission de Louis Rossel, délégué à la Guerre). La Commune va administrer Paris jusqu’au 20 mai. Son action législatrice est considérable, de nombreuses mesures sont prises et appliquées à Paris pendant les 70 jours qu’elle dura. La plupart furent abolies après la destruction de la Commune. Sont décrétées des mesures d’avant-garde que la république n’a repris que plusieurs décennies plus tard. Le Conseil de la Commune, commence par régler les questions qui sont à l’origine du soulèvement du 18 mars. Le 29 mars, un décret remet les loyers non payés d’octobre 1870 à avril 1871 ; la vente des objets déposés au Mont-de-Piété est suspendue. Le 12 avril, les poursuites concernant les échéances non payées sont suspendues, le 16 avril un délai de trois ans est accordé pour régler les dettes et les échéances. Le 6 mai, le dégagement gratuit des dépôts, faits au Mont-de-Piété, inférieurs à 6 francs est permis. La solidarité est également organisée. Une pension est versée aux blessés, aux veuves (600 francs) et aux orphelins (365 francs) des gardes nationaux tués au combat (8 et 10 avril). Le 25 avril un décret réquisitionne les logements vacants au profit des sinistrés des bombardements allemands et versaillais. Des orphelinats sont créés avec l’aide en fourniture des familles parisiennes. La question du ravitaillement est moins cruciale que pendant le siège hivernal de Paris par les Prussiens. Sauf le pain qui est taxé, les autres aliments se trouvent suffisamment grâce aux stocks accumulés après le siège, aux arrivages des terres agricoles et jardins compris entre les fortifications et les lignes allemandes. Pourtant, par sa circulaire du 21 avril, le gouvernement Thiers impose le blocus ferroviaire de la capitale. Des ventes publiques de pommes de terre, des boucheries municipales sont créées (22 avril) pour alléger le budget des familles (à l’époque essentiellement constitué du poste alimentation). Des cantines municipales, des distributions de repas (comme les Marmites de Varlin) fonctionnent, des bons de pain sont distribués. La Commune prend quelques mesures symboliques : le drapeau rouge est adopté le 28 mars, et le calendrier républicain (an 79 de la République) est de nouveau en vigueur. La destruction de la colonne Vendôme, considérée comme le symbole du despotisme impérial, est décrétée le 12 avril et réalisée le 16 mai. La confiscation des biens de Thiers et la destruction de son hôtel particulier à Paris sont décidées (Thiers se fera rembourser plus d’un million de francs). La démocratie citoyenneL’appel du 22 mars énonce que "les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables" et leur mandat est impératif. C’est la consécration du gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple : une démocratie directe reposant sur une citoyenneté active. Cf. Constitution de 1793 dans laquelle le droit à l’insurrection est "le plus sacré des droits et le plus imprescriptible des devoirs". La Commune de Paris a été favorable aux étrangers : "Considérant que le drapeau de la commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent...". Vers l’émancipation des femmesPendant la Commune se crée le premier mouvement féminin de masse : l’Union des Femmes pour la défense de Paris et les soins aux blesses sous l’impulsion d’Elisabeth Dmitrieff, jeune aristocrate russe et de Nathalie Le Mel, ouvrière relieuse. Les femmes réclament le droit au travail et l’égalité des salaires ; (un commencement d’application est mis en place pour les institutrices).- l’union des femmes participe au recensement des ateliers abandonnés par les patrons (les francs fileurs) partis se réfugier à Versailles et organise des ateliers autogérés ; la commune reconnait l’union libre (elle verse aux veuves de fédérés mariées on non ainsi qu’à leurs enfants légitimes ou naturels une pension ; les femmes mettent en application le décret de séparation de l’ Eglise et de l’Etat dans les écoles et les hôpitaux ; elles se battent comme Louise Michel et d’autres sous l’habit de fédérés et elles défendent Paris contre les Versaillais sur les barricades (une centaine place blanche avec Nathalie le Mel) ;sur le chemin de l’émancipation des femmes , la Commune a marqué une étape importante. [4] PresseLa liberté de la presse est réaffirmée le 19 mars par le Comité central de la garde nationale. Les journaux anticommunards continuent donc de paraître à Paris, et se livrent à des attaques violentes contre le soulèvement et relaient les mots d’ordre politiques de Thiers. Aussi dès le 5 avril Le Journal des Débats et La Liberté, jugés proversaillais sont interdits. Le 12 ce sera Le Moniteur universel. La presse proversaillaise continuant ses attaques, le 9 avril, la Commission de Sûreté générale, rappelle que la "déclaration préalable" reste en vigueur pour la presse. Dès le 18 avril la Commune menace d’interdiction les journaux qui "sont favorables aux intérêts de l’armée ennemie" et qui continuent tout de même de paraître. C’est surtout en mai que la lutte contre la presse proversaillaise prend de la vigueur, le 5 mai, 7 journaux sont supprimés, le 11 ce sont 5 autres journaux et le 18 mai, 9 autres. Il est bien évident que la presse parisienne procommunarde ne peut être diffusée en province du fait de la vigilance du gouvernement Thiers. FonctionnairesLa Commune doit faire face à l’absentéisme des fonctionnaires, qui pour une grande part sont partis à Versailles avec Adolphe Thiers ou qui restent chez eux comme ce dernier leur ordonne. Il s’agit aussi de changer l’état d’esprit de ces agents publics recrutés sous le Second Empire. La Commune décide l’élection au suffrage universel des fonctionnaires (y compris dans la justice et dans l’enseignement), le traitement maximum sera de 6 000 francs annuels (l’équivalent du salaire d’un ouvrier) (2 avril) et le cumul est interdit (4 mai). Les fonctionnaires ne doivent plus le serment politique et professionnel. Conditions de travailLe Conseil de la Commune, issu d’un mouvement populaire, se préoccupe d’améliorer la condition des prolétaires. La Commune entend réaliser l’aspiration du mouvement ouvrier français du XIXe siècle : "l’émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes" (la Sociale). Le 20 avril, le travail de nuit dans les boulangeries est interdit, mais il faut lutter contre le travail clandestin par des saisies de marchandises et affichage de la sanction dans les boutiques. Le 16 avril, un décret réquisitionne les ateliers abandonnés par leurs propriétaires (assimilés à des déserteurs) et prévoit de les remettre à des coopératives ouvrières après indemnisation du propriétaire : deux ateliers fonctionneront ainsi pour la fabrication d’armes (la journée de travail y est de 10 heures et l’encadrement est élu par les salariés). Pour lutter contre une pratique patronale très répandue, la Commune interdit les amendes et retenues sur salaires dans les administrations publiques et les entreprises privées (28 avril). Pour lutter contre le dumping salarial dans les appels d’offres concernant les marchés publics, un cahier des charges avec indication du salaire minimum est créé. Les bureaux de placement de la main d’œuvre, entreprises privées très florissantes sous l’Empire, monopoles agissant bien souvent comme des "négriers", sont supprimés et remplacés par des bureaux municipaux (20 avril). La Commune annonce les prémices de l’autogestion. Dans les entreprises, un conseil de direction est élu tous les 15 jours par l’atelier et un ouvrier est chargé de transmettre les réclamations. JusticeLa plupart des professionnels de la justice ayant disparus, il faut pourvoir à tous les postes (il n’y a plus que deux notaires en activité dans Paris). Il y a beaucoup de projets mais faute de temps peu seront mis en application. Les enfants légitimés sont considérés comme reconnus de droit. Le mariage libre par consentement mutuel est décidé (16 ans pour les femmes, 18 ans pour les hommes) ; les actes notariaux (donation, testament, contrat de mariage) sont gratuits. Pour tempérer l’activité répressive de Rigault (à la Sûreté générale) il est décidé une sorte d’habeas corpus : les suspects arrêtés par le Comité central de la Garde nationale ou la Sûreté, doivent avoir une instruction immédiate de leur affaire (8 avril) ; les perquisitions et les réquisitions sans mandat sont interdites (14 avril) ; il est obligatoire d’inscrire le motif de l’arrestation sur les registres d’écrous (18 avril) ; une inspection des prisons est créée (23 avril). EnseignementDans l’enseignement, le personnel de l’administration centrale est réfugié à Versailles, les écoles privées congréganistes, nombreuses car favorisées par la loi Falloux[5] de 1850, sont vidées de leurs élèves[6] depuis le décret du 2 avril "séparant l’Église de l’État". Les professeurs du secondaire et du supérieur, assez peu favorables à la Commune, ont déserté lycées et facultés. Édouard Vaillant, chargé de ce secteur, prévoit une réforme qui vise à l’uniformisation de la formation primaire et professionnelle. Deux écoles professionnelles, une de garçons et une de filles, sont ouvertes. L’enseignement est laïcisé : l’enseignement confessionnel est interdit, les signes religieux chrétiens sont enlevés des salles de classe. Une commission exclusivement composée de femmes est formée le 21 mai pour réfléchir sur l’enseignement des filles. Quelques municipalités d’arrondissement, celle du XXe en particulier, qui ont alors la responsabilité financière de l’enseignement primaire, rendent l’école gratuite et laïque. Notons que le personnel enseignant, qui est à la charge des municipalités, reçoit une rémunération de 1 500 francs annuels pour les aides-instituteurs et 2 000 pour les directeurs, avec égalité de traitement entre les hommes et les femmes. CultesDans le domaine des cultes, la Commune rompt avec le Concordat de 1802 qui faisait du catholicisme "la religion de la majorité des Français" et des curés et évêques des fonctionnaires. À la fin de l’Empire, les classes populaires parisiennes sont assez hostiles au catholicisme, très lié au régime impérial et aux conservateurs. L’anticléricalisme a été revigoré par la propagande blanquiste, très athée, et par l’attitude du pape Pie IX face à l’unification de l’Italie. Le 2 avril, la Commune décrète la séparation de l’Église (catholique) et de l’État, la suppression du budget des cultes, la sécularisation des biens des congrégations religieuses. Les religieux des couvents de Picpus, des Dames-Blanches et d’Arcueil sont inquiétés ou arrêtés sous divers prétextes. Les églises de Saint-Laurent et de Notre-Dame des Victoires sont perquisitionnées. L’archevêque de Paris, Georges Darboy, est arrêté comme otage le 2 avril. La demande d’échange avec Auguste Blanqui, détenu par le gouvernement Thiers, est repoussée le 12 avril puis le 14 mai par Adolphe Thiers. Monseigneur Darbois est exécuté par les Communards comme quatre autres ecclésiastiques en représailles de l’avance des troupes versaillaises. Lire aussi : |