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L’imposture François Bayrou ?Source : AgoraVox
Je sais que je risque de m’attirer les foudres de nombreux lecteurs et rédacteurs d’AgoraVox (notamment de mon ami Okan, que je salue pour la qualité de ses articles et qui, j’espère, m’excusera !). En effet, je tiens ici, en tribune libre, à exprimer une vision assez critique de la stratégie de François Bayrou (pas de l’homme), personnalité politique assez bien perçue sur ce journal citoyen en ligne (je le préfère moi-même -et de loin- à Nicolas Sarkozy). Cette opinion pourra peut-être lancer un intéressant débat. Il y a pour moi une certaine imposture de la part du candidat de l’UDF. C’est celle de faire croire à un possible gouvernement d’union nationale, à un centrisme dépassant le clivage gauche-droite et à une indépendance de l’UDF vis-à-vis du gouvernement actuel et de ses politiques menées depuis cinq ans. Cette posture ne peut pas faire illusion à quiconque regarde la situation politique française et l’écart frappant entre les paroles et les actes, entre les promesses et les réalités de l’ancien ministre de l’Éducation d’Édouard Balladur puis d’Alain Juppé. La stratégie de M. Bayrou semble être le positionnement en un homme neuf, se plaçant au-delà du clivage gauche-droite, et soulignant le passéisme de ce dernier. Mais le nier aujourd’hui me paraît soit naïf, soit hypocrite. La France n’a pas connu un tel fossé entre la gauche et la droite depuis 1981. C’est justement tout l’enjeu de l’élection du 29 avril prochain : le choix entre la régulation de la mondialisation pour une meilleure répartition des richesses, et l’acceptation du capitalisme financier par un retrait progressif de la sphère étatique, collective, pour favoriser un système individualiste dominé par une minorité privilégiée. La droite et la gauche en France n’ont jamais été si éloignées dans leur conception des politiques à mener depuis la chute du Mur de Berlin. Nicolas Sarkozy est sans aucun doute le candidat le plus néoconservateur et néolibéral que pouvait choisir le parti de gouvernement qu’est l’UMP. Ségolène Royal illustre de son côté l’ancrage du Parti socialiste dans un socialisme européen réformiste, et sa réconciliation avec son électorat historique. La gauche gouvernementale ne s’est pas radicalisée, mais elle est en un sens plus révolutionnaire que dans le passé. Comprenant que la disparition forcée du capitalisme pouvait entraîner le totalitarisme, elle a accepté le marché, tout en s’obligeant à le réguler. Ne cherchant plus une révolution impossible, elle veut changer concrètement les conditions de vie de chacun, et y parviendra en adoptant des mesures à la fois solidaires et performantes, à la fois réalistes et justes. De son côté, la droite française s’est radicalisée, avec pour personnage emblématique l’actuel ministre de l’Intérieur. Alors qu’elle tendait, jusqu’à la fin des années 1990, vers un gaullisme libéral, elle s’affiche désormais comme néolibérale, néoconservatiste et atlantiste, à l’opposé de la pensée de Charles de Gaulle. M. Bayrou déclare pourtant vouloir un gouvernement d’union nationale empruntant à la droite telle ou telle personnalité et à la gauche telle ou telle autre. Mais comment concilier les deux modèles de société décrits plus haut ? Cela n’est, à mon sens, pas sérieux. Michel Rocard, invité à l’université d’été de l’UDF en août 2006 a d’ailleurs décliné toute invitation à rejoindre ce parti en se déclarant socialiste et rien d’autre. Michel Barnier reste fidèle à l’UMP et Alain Juppé soutient ouvertement Nicolas Sarkozy. Il n’est pour eux pas question de gouverner ensemble. La vérité (à mon sens) est que, considérant la situation de l’UDF, son président n’obtiendra aucune majorité parlementaire et sera dans l’obligation de négocier les postes gouvernementaux avec l’UMP ou/et avec le PS. D’où la propension à souligner un centrisme ni de gauche ni de droite. Si M. Bayrou était élu président de la République française, avec qui gouvernerait-il ? Quel serait son gouvernement d’union nationale, si ce n’est un gouvernement d’alliance UDF-UMP ? L’UDF n’est pas de gauche, elle fait partie intégrante de la majorité actuelle et participe, par ses soutiens, par ses votes au Parlement, par la présence de l’un de ses membres au gouvernement, à la politique de ce dernier. Si cette formation politique avait vraiment voulu prouver son indépendance, il me semble que le choix était facile : ne plus négocier de circonscriptions avec l’UMP pour les élections législatives, s’opposer fermement à tout projet de loi ouvertement autoritaire et contraire aux droits fondamentaux (cf. le soutien de l’UDF pour l’adoption de la loi sur la prévention de la délinquance), diriger de façon indépendante les collectivités locales ou tant avec des élus UMP qu’avec des élus PS, voter librement au Parlement en respectant la parole donnée de leur président (cf. le vote des sénateurs UDF en faveur de la fusion GDF-Suez alors que M. Bayrou disait s’y opposer). Aujourd’hui, François Bayrou se veut libre et indépendant tant des politiques que des médias. Il assène une vérité (qu’il oubliait lorsqu’il était aux responsabilités ?) : la concentration des médias. Mais cette personnalité présente sur tous les plateaux télé et radio le fait sans doute de la pire des manières. Il tend à user d’un langage de plus en plus démagogique en confondant allègrement Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, en accusant l’ensemble de la classe politique sans aucune remise en question personnelle. De cette manière, il caricature et décrédibilise un peu plus la politique, qu’il dit pourtant vouloir réhabiliter. Sur le même sujet :
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