Articles les plus visités

Bienvenue au Village Fédéral, agrégateur de consciences, dédié aux hautes aspirations de l'humanité, le savoir, la liberté et la solidarité... Les citations du moment... L'utopie n'est pas l'irréalisable, mais l'irréalisé. Theodore Monod... L'opprimé d'aujourd'hui sera l'oppresseur de demain. Victor Hugo... Il n'est pas besoin d'esperer pour résister. Auteur inconnu... "La lutte des classes existe, et c'est la mienne qui est en train de la remporter." Warren Buffet (milliardaire)... LE POUVOIR NE SOUHAITE PAS QUE LES GENS COMPRENNENT QU’ILS PEUVENT PROVOQUER DES CHANGEMENTS. Noam Chomsky... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel . Jean Jaures... Si tu veux faire de ce monde un endroit meilleur, jette un œil sur toi-même et fait un changement... If You Wanna Make The World A Better Place, Take A Look At Yourself And Then A Make A Change. Michael Jackson (Man In The Mirror)...
RÉSEAU SOCIAL SOLIDAIRE

Nationaliser les banques

Source : Le Monde Diplomatique
- Serge Halimi

10 juin 2009

Le mal qui ronge la finance dévore à présent l’économie mondiale dont elle a tiré sa substance. Quand une banque s’écroule, une autre la rachète, garantissant ainsi que l’Etat devra la sauver, elle, puisqu’elle devient « too big to fail » (« trop grosse pour faire faillite »). Un peu partout, dans la précipitation et le couteau sur la gorge, le contribuable paie des milliers de milliards de dollars pour secourir les plus grandes institutions financières. Or nul ne sait combien d’« actifs toxiques » demeurent dans leurs entrailles, ni combien il va falloir encore payer pour acquérir la pile montante de leurs créances avariées. Le bilan de la déréglementation financière, le voilà.

Autrefois, le travail de banquier paraissait facile. On évoquait la règle américaine du « 3-6-3 ». Emprunter à 3 %, prêter à 6 %, partir jouer au golf à 3 heures. Maîtriser un tel exercice ne réclamait pas un bataillon de mathématiciens armés de modèles économétriques. Puis vient le tournant des années 1980. La « diversification » s’impose, la « prise de risque », le « décloisonnement », aussi. La loi américaine Glass Steagall de 1933 interdisait aux banques d’investir en Bourse. Semblable vieillerie héritée du New Deal est abolie dans l’allégresse de la nouvelle économie. Modernité oblige, les banques cessent de dépendre de la confiance de leurs épargnants (1).


Sans tarder, elles investissent dans de nouveaux placements — des « dérivés » de produits panachés à partir de créances qu’elles ont elles-mêmes un jour « titrisées »... Autant dire que les banquiers eux-mêmes comprennent à peine de quoi il retourne (un manuel de 150 pages serait parfois requis pour y parvenir), tout en appréciant ce que tant d’innovation leur rapporte. Prêter toujours davantage, dans l’opacité et avec toujours moins de fonds propres, voilà qui est risqué. Mais on vivait alors le temps des bulles, des expansions sans fin, des pyramides financières, des salaires de pharaon, ce qui encourageait de nouvelles fuites en avant (2). Fin 2007, des banques prêtèrent jusqu’à trente fois le montant qu’elles détenaient dans leurs soutes. Des assureurs comme American International Group (AIG) protégeaient leurs parcours de funambules...

Un jour, c’est-à-dire hier, la corde a cassé ; certains débiteurs des banques, ruinés et ne pouvant s’endetter davantage, ont cessé de les rembourser. Or ces dernières étaient fragiles puisqu’il suffisait qu’une fraction infime des emprunts qu’elles avaient consentis deviennent insolvables pour qu’elles fassent elles aussi faillite. Et leurs assureurs avec elles. Dégringolade de l’immobilier, chute de l’activité économique, flambée du chômage : comment les établissements financiers peuvent-ils à présent imaginer qu’ils vont se refaire ? Réponse : l’Etat — dont les commandes ont été parfois livrées à des petits génies en transit entre deux banques — veille sur leur sort.

Il est temps qu’il prenne carrément la direction des opérations. De toute manière, le salut de la finance ne dépend plus d’actionnaires privés, lesquels ne retrouvent des couleurs que quand un gouvernement leur annonce une nouvelle injection de fonds. Hérétique hier, quand même les socialistes français déréglementaient la finance, la solution de la nationalisation des banques devient à ce point évidente — ou la calamité qu’elle empêcherait à ce point menaçante — que des parlementaires républicains la préconisent aux Etats-Unis. Des journaux aussi libéraux que The Economist s’y sont également ralliés (3).

Il paraît toutefois que, sitôt les banques purgées avec l’argent des contribuables, il faudrait les rendre à leurs actionnaires. Faire le ménage, en somme, puis restituer l’appartement à ceux qui l’ont saccagé. Mais pourquoi ? Des systèmes bancaires nationalisés ont impulsé à bon compte des décennies d’expansion. De quel bilan comparable les banques privées peuvent-elles encore se prévaloir ?

Serge Halimi.

(1) Lire Ibrahim Warde, « Les assises du système bancaire détruites par la déréglementation », Le Monde diplomatique, janvier 1991 (disponible dans le cédérom du Monde diplomatique.

(2) En 2008, Goldman Sachs, Merrill Lynch, Lehman Brothers et Bear Stearns ont distribué 20 milliards de dollars de bonus à leurs employés alors qu’elles venaient de perdre 26 milliards de dollars et faisaient appel à l’Etat pour les sauver. A Goldman Sachs, chaque employé reçut une moyenne de 362 000 dollars, salaire compris (The Wall Street Journal, New York, 20 mars 2009.)

(3) Editorial « In knots over nationalisation », The Economist, 28 février 2009.



Nomenclature


Accueil (Place du village)

Haut de page