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Les prédateurs de la liberté de la presse 2007Source : RSF / 10 octobre 2007 Derrière les violations de la liberté de la presse se cachent des responsables et des commanditaires. Qu’ils soient président, ministre, chef d’état-major, chef religieux ou leader d’un groupe armé, ces prédateurs de la liberté de la presse ont le pouvoir de censurer, emprisonner, enlever, torturer et, dans les pires des cas, assassiner des journalistes. Pour mieux les dénoncer, Reporters sans frontières dresse leurs portraits. Arabie saoudite Abdallah Ibn Al-Saoud Roi Sixième monarque d’Arabie saoudite, Abdallah ibn Abdulaziz Al-Saoud, « serviteur des deux saintes mosquées », a accédé au pouvoir en août 2005. Il occupe également le poste de Premier ministre. Sous son autorité, le régime oscille entre répression et ouverture. Il a fait arrêter des activistes politiques et des journalistes, mais aussi organisé les premières élections municipales dans le pays. Le maintien de la famille royale des Al-Saoud à la tête de l’Etat et la suprématie de l’idéologie wahhabite passent par un contrôle sans faille sur l’information. Sans cadre juridique protégeant la liberté d’expression, les journalistes saoudiens ne remettent jamais en cause le pouvoir et l’autocensure reste de mise. La lutte contre le terrorisme et l’agitation politique régionale continuent de servir de prétexte pour restreindre les libertés fondamentales. Les journalistes étrangers se rendant dans le pays sont systématiquement accompagnés par des fonctionnaires chargés de rendre compte du contenu de leur travail. Afghanistan, Bangladesh, Irak, Pakistan, Territoires palestiniens Groupes islamistes armés Les taliban ont multiplié les attaques dans le sud et l’est de l’Afghanistan. Ils ont tué un cameraman dans un attentat-suicide et détenu pendant quelques jours deux reporters pakistanais. En septembre, l’un des lieutenants du mollah Omar a menacé de mort les journalistes qui publient des informations des forces de la coalition étrangère. Au Pakistan, les djihadistes basés dans les zones tribales menacent régulièrement les correspondants qui ne diffusent pas leurs communiqués. Certains imams extrémistes utilisent des radios FM clandestines pour lancer des appels contre les journalistes jugés "infidèles". Au Bangladesh, la police a mis hors d’état de nuire des militants armés qui avaient agressé des dizaines de journalistes. Mais des fondamentalistes continuent de menacer les publications libérales qui dénoncent la montée de l’extrémisme. En Irak, des groupes armés prennent pour cibles les journalistes de la presse publique ou ceux des médias affiliés à un mouvement politique ou religieux. Dans les Territoires palestiniens, les Brigades Izz al-Din al-Qassam, branche armée du Hamas, ont agressé plusieurs journalistes venus couvrir des meetings politiques du Premier ministre Ismaël Haniyeh. Ils sont également à l’origine d’attaques contre les locaux de médias publics, contrôlés par le Fatah, parti du président Mahmoud Abbas. Chine Hu Jintao Président de la République Président de la République et secrétaire général du Parti communiste (PC), Hu Jintao a deux objectifs : développer la "société harmonieuse" et contrer les "forces hostiles" à la Nation. Le département de la propagande et la police politique - bastions des conservateurs - sont chargés d’empêcher les médias de couvrir librement une situation sociale de plus en plus agitée. Dans certaines provinces, l’avancement des journalistes se fait suivant le nombre d’articles publiés jugés conformes à la "société harmonieuse". Ancien chef du PC au Tibet dans les années 1980, Hu Jintao n’a jamais hésité à faire taire les voix critiques. Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, il a engagé une vague de répression contre les défenseurs des droits de l’homme, les cyberdissidents et les journalistes indépendants, considérés comme des "forces hostiles". Il a notamment ordonné à la sécurité d’Etat d’arrêter des correspondants de médias étrangers, comme Zhao Yan du New York Times et Ching Cheong du Straits Times. Hu Jintao a également dirigé la Ligue de la jeunesse communiste du pays. Cela ne l’a pas empêché d’ordonner une purge au sein de la rédaction du Quotidien de la jeunesse de Chine, jugée trop libérale. Cinq responsables du journal, dont le célèbre Li Datong, ont été écartés. Birmanie Than Shwe Chef de la junte Chef de la junte militaire depuis 1992, le généralissime Than Shwe a commencé sa carrière militaire au sein du département de la guerre psychologique. Il en a gardé un goût passionné pour le contrôle des idées et de la presse. Des dizaines de militaires travaillent, sous ses ordres, au Bureau de la censure. Ils vérifient tous les journaux, livres et films avant leur diffusion. Il a fait arrêter plus de cinquante journalistes dont, récemment, deux reporters qui avaient pris des clichés de la nouvelle capitale, Naypyidaw. Than Shwe, connu pour ses crises de paranoïa, a décidé le déménagement des principales administrations dans une région montagneuse et isolée, de peur d’une attaque américaine et après avoir pris les conseils d’un astrologue... Le leader de la junte, âgé de 74 ans, ne fait que de très rares apparitions publiques et la majorité de la population ne connaît pas le son de sa voix. Ses discours militaristes et haineux envers l’opposition démocratique sont lus sur les radios et télévisions d’Etat et font la une des médias officiels. Than Shwe voue une détestation particulière au Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, qu’il maintient en résidence surveillée depuis mai 2003, et à ses conseillers, comme le journaliste U Win Tin, emprisonné depuis juillet 1989. Côte d’Ivoire Charles Blé Goudé et les "Jeunes patriotes" Milice civile Le "général de la rue" et ses partisans font régulièrement régner la terreur dans les médias qui ne servent pas la cause du président Laurent Gbagbo. En 2004, leur contribution à la tentative manquée de reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire a été déterminante. Avant même que les soldats ne se mettent en mouvement, les "Jeunes patriotes" ont méthodiquement saccagé les bureaux de la presse d’opposition, contraignant à la clandestinité les journalistes qui ne chantaient pas les louanges de la "Refondation". Quelques jours plus tard, la "jeunesse patriotique" a pris le contrôle de la radiotélévision publique, un formidable outil de communication qui allait devenir une arme de propagande redoutable. Certes, l’ONU a très vite appelé à faire taire les "médias de la haine". Mais l’avertissement n’a pas eu d’effet dissuasif. Début 2006, les "Jeunes patriotes" ont investi à nouveau les locaux de la radiotélévision, dans le but d’organiser une insurrection. Blé Goudé et ses hommes désignent régulièrement les "ennemis de la patrie" : l’opposition, ses médias et la France. Corée du Nord Kim Jong-il Secrétaire général du Parti du travail Les médias officiels affirment que lorsque Kim Jong-il est né sur le mont sacré Paektu, un double arc-en-ciel et de nouvelles étoiles sont apparus au-dessus de la Corée du Nord. Plus prosaïquement, le despote est né en Sibérie où son père, Kim Il-sung, le "président éternel" de la Corée du Nord, servait dans l’armée soviétique. Les médias nord-coréens sont l’instrument privilégié du culte de la personnalité qui fait de Kim Jong-il un "héros du socialisme". Paranoïaque et amoureux du luxe, Kim Jong-il a interdit aux médias nord-coréens de mentionner la famine qui a tué des millions de personnes dans les années 1990. Tous les jours, les activités du "cher leader" font l’ouverture des journaux télévisés et la une des quotidiens. Une erreur orthographique sur son nom ou une simple remarque négative sur son parcours ou sa politique peut conduire son auteur dans l’un des camps de rééducation idéologique installés dans le pays. De peur que la population n’accède aux informations de l’étranger, la police politique est chargée d’empêcher l’entrée de postes radio par la frontière chinoise. Les services de la propagande brouillent systématiquement les programmes des stations sud-coréennes ou animées par des réfugiés nord-coréens depuis l’étranger. Ethiopie Meles Zenawi Premier ministre A sa prise de pouvoir, en 1991, l’ancien guérillero avait promis de faire de l’Ethiopie une démocratie, après les années noires du régime de Mengistu. Mais l’intimidation permanente de l’opposition et des incarcérations régulières de journalistes ont marqué son début de règne. En mai 2005, les premières élections multipartites, non boycottées par l’opposition, ont fait naître l’espoir qu’une nouvelle ère allait s’ouvrir. Or, le scrutin a tourné au fiasco. L’opposition a contesté les résultats dans la rue. L’armée a sévi. En novembre, de grandes rafles ont été ordonnées par un Premier ministre persuadé d’avoir affaire à une insurrection armée. Une dizaine de journaux ont été fermés et leurs responsables jetés en prison avec les chefs de l’opposition. Des poursuites ont été engagées à leur encontre pour "haute trahison", un crime passible de la peine de mort. Pour se défendre, Meles Zenawi affirme qu’il souhaite préserver l’ordre public contre la subversion, ajoutant que l’opposition et ses journaux avaient des visées "génocidaires" contre l’ethnie dont il est issu. Depuis, rien n’a pu le faire fléchir Iran Mahmoud Ahmadinejad Président de la République Le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad continue de restreindre la liberté d’expression. Elu à la tête de l’Etat en août 2005, le président ultraconservateur s’est entouré d’anciens officiers des Gardiens de la Révolution qu’il a placés à la tête des principaux ministères et institutions du pays. Si des médias conservateurs, proches du pouvoir, critiquent parfois la politique du Président, les journaux réformateurs - trop progressistes aux yeux de Téhéran et sans aucun soutien politique - ne bénéficient pas de la même marge de manœuvre. Les journalistes indépendants sont régulièrement convoqués par les services secrets et peuvent être détenus au secret pendant des semaines, sans pouvoir contacter leur famille ou leur avocat. Les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire permettent au régime de harceler et d’arrêter facilement les journalistes et toutes les voix indépendantes qui osent encore s’élever en Iran. Les médias étrangers sont placés sous étroite surveillance et leurs correspondants locaux peuvent se voir retirer leur carte de presse à tout moment. Espagne ETA Organisation terroriste Depuis sa création en juillet 1959, l’organisation terroriste basque Euskadi ta Askatasuna, connue sous l’acronyme ETA, alterne dialogue politique et attentats en France et en Espagne. Le contrôle de l’information constitue un enjeu essentiel pour l’organisation. Aussi, les journalistes, considérés comme des "ennemis de la cause" sont, eux aussi, victimes de la politique de terreur menée par l’ETA. José María Portell, assassiné en juin 1978, José Javier Uranga, blessé par balles en 1980, José Luis Lopez de la Calle, assassiné en mai 2000, et Gorka Landaburu, gravement atteint aux mains et au visage par l’explosion d’un colis piégé en 2001, comptent parmi les professionnels de l’information victimes d’attentats de l’ETA. Plusieurs dizaines de journalistes espagnols menacés de mort par l’organisation sont toujours contraints de travailler sous protection. Dans un communiqué de presse en 1998, l’organisation rappelait "le besoin de donner la parole au peuple, que le peuple récupère la parole et que sa parole soit respectée". À ce jour pourtant, l’ETA n’a pas témoigné le même intérêt pour la liberté d’expression des journalistes. Maldives Police Star Force Face à des médias de plus en plus indépendants, les forces de sécurité maldiviennes n’hésitent pas à arrêter, agresser, menacer ou convoquer les journalistes. Dirigée par Adam Zahir, la police nationale, et plus particulièrement la Star Force, s’est trouvée un ennemi tout désigné : le journal d’opposition Minivan, connu pour ses critiques très rudes du gouvernement. L’un de ses journalistes a été condamné à la prison à vie pour trafic de drogue, après avoir écrit sur la Star force. De même, le caricaturiste Ahmed Abbas est emprisonné pour avoir critiqué de manière virulente la police. Le président Maumoon Abdul Gayoom, au pouvoir depuis 1978, a toujours compté sur les forces de l’ordre pour surveiller la presse. Lors d’une manifestation, la Star force a frappé une correspondante de Minivan Radio devant un commissariat. Et c’est encore des policiers qui ont procédé à l’expulsion de deux envoyés spéciaux étrangers, fin 2006. En revanche, la même police s’est révélée incapable d’identifier les auteurs de menaces à l’encontre de journalistes qui mettaient en cause le pouvoir dans leurs articles. Swaziland Mswati III Roi Il n’existe qu’un seul journal privé dans le petit royaume du monarque absolu Mswati III. Les autres ont été fermés en 2001 sur ordre du palais. Les journalistes doivent zigzaguer avec habileté entre les nombreux interdits énoncés par le jeune roi aux treize épouses, à la vingtaine de berlines de luxe et au jet privé acheté pour une somme avoisinant le double du budget de la santé d’un pays où un tiers des adultes sont infectés par le VIH. Car toute critique des autorités est qualifiée de crime de lèse-majesté. Des journalistes sont régulièrement traînés en justice par tel ou tel "petit marquis". L’autocensure est donc de mise. D’autant que, selon un décret adopté en 2002, le gouvernement peut interdire une publication sans fournir de motif ou sans que la maigre justice du royaume ne puisse y redire quoi que ce soit. De toute façon, le roi Mswati III n’a-t-il pas déclaré en 2003 que "la démocratie est un mode de vie qui ne convient pas au Swaziland" ? Sri Lanka Paramilitaires tamouls L’armée sri-lankaise, engagée dans une guerre sans fin avec les Tigres tamouls, laisse les groupes paramilitaires faire le "sale travail". Celui-ci consiste notamment à s’attaquer à la presse qui tente de témoigner de la situation dramatique que vit la population. Dans le nord de l’île, des miliciens ont assassiné, en 2006, trois employés du quotidien Uthayan, puis brûlé l’imprimerie de ce journal tamoul populaire. Dans l’Est, deux reporters ont été tués par des paramilitaires qui empêchent, par ailleurs, la libre circulation des publications tamoules indépendantes. Ce sont également des membres d’un groupe progouvernemental qui sont à l’origine de la mort du journaliste tamoul Sivaram, en 2005. Ces groupes armés jouissent de la protection de l’armée et peuvent frapper les médias sans jamais être inquiétés par la justice. Un magistrat a, par exemple, récemment libéré les membres d’un parti tamoul progouvernemental, suspectés d’être impliqués dans l’assassinat du journaliste de la BBC Nimalarajan, à Jaffna. Zimbabwe Robert Mugabe Président de la République L’un des chefs d’Etat les plus âgés du monde, salué lors de sa prise de pouvoir comme un "libérateur" dans la mouvance de Nelson Mandela, se moque des critiques. Pour lui, le programme de "nettoyage" des bidonvilles, fiefs de l’opposition, ayant fait 700 000 sans-abri en 2005, était une œuvre de "salubrité publique". De même, la loi sur l’information adoptée en 2002, instituant une surveillance et un contrôle stricts de la presse, constituait un moyen de lutter contre la subversion étrangère. Interdire le Daily News, le quotidien le plus lu du pays, en 2003, était, toujours selon lui, une mesure purement administrative. De même, le chef de l’Etat assume pleinement les arrestations de journalistes locaux ou étrangers - accusés d’espionnage pour ne pas s’être pliés aux règles draconiennes instaurées par le pouvoir -, les menaces et les tracasseries administratives kafkaïennes dont le gouvernement use et abuse pour décourager les professionnels de l’information. Le brouillage des radios zimbabwéennes émettant depuis l’étranger, grâce à des technologies chinoises, achève de faire de l’ancien "grenier à blé" de l’Afrique australe l’un des pays les plus répressifs du continent. Vietnam Nong Duc Manh Secrétaire général du parti communiste Reconduit à la tête du Parti communiste en avril 2006, Nong Duc Manh s’est vengé des médias libéraux et dissidents qui avaient osé publier des informations et des commentaires gênants pendant la préparation du congrès du parti. Il a fait promulguer, quelques mois plus tard, une loi sanctionnant les médias qui diffament le "prestige de l’Etat" ou attaquent les "acquis révolutionnaires et les héros nationaux". Dans la foulée, quatre publications ont été suspendues. Et l’un des proches du chef du parti, l’idéologue Nguyen Duc Binh, a déclaré : “Les discussions ouvertes sont dangereuses." Nong Duc Manh a également ordonné à la police politique de renforcer son contrôle sur les journalistes et militants des droits de l’homme du "Bloc 8406", qui ont défié le pouvoir en lançant deux revues indépendantes. Au moins vingt journalistes dissidents ont été convoqués, menacés ou placés sous surveillance pour leurs écrits en faveur de la démocratie. Considéré comme un réformateur économique, Nong Duc Manh se méfie également d’Internet. Il a fait arrêter une dizaine d’internautes en 2006, accusés notamment d’avoir demandé plus de démocratie sur des forums de discussion. Azerbaïdjan Ilham Aliev Président de la République Dans un pétro-Etat courtisé par beaucoup de puissances étrangères, l’arrivée au pouvoir, en 2003, d’Ilham Aliev a été soigneusement préparée par son père, Heidar Aliev, dirigeant du pays depuis 1969. Après des études au prestigieux Institut de relations internationales de Moscou, Ilham Aliev s’est lancé dans une carrière d’homme d’affaires à Istanbul, avant d’épauler son père au sein de la société pétrolière d’Etat Socar. En 1999, il mène la liste présidentielle à la victoire et, après le malaise cardiaque de son père en direct à la télévision, en avril 2003, il est nommé Premier ministre puis élu président. Considéré comme un homme affable, peu taillé pour les dures réalités de la vie politique, Ilham Aliev s’est pourtant illustré comme étant le digne héritier de son père en traitant l’opposition avec brutalité. Les journaux proches de celle-ci et ceux qui dénoncent la corruption rampante dans le pays sont traités à l’avenant. En août 2006, un ancien ministre du Développement économique a été mis en cause dans l’assassinat non élucidé à ce jour du rédacteur en chef du magazine Monitor. Les agressions contre des professionnels de la presse se sont multipliées. Enfin, sous des prétextes administratifs, les journaux Azadlig et Bizim Yol ont été expulsés de leurs locaux de Bakou. Des menaces régulières concernant la diffusion des médias étrangers complètent ce tableau. Bélarus Alexandre Loukachenko Président de la République Depuis son élection à la tête du pays en 1994, Alexandre Loukachenko s’est forgé un CV des plus déprimants. Sa réélection en mars 2006, avec plus de 80 % des voix, illustre fidèlement la poigne de fer avec laquelle l’ancien directeur de sovkhoze (ferme d’Etat) gouverne le pays. La campagne électorale a été marquée par une multiplication des expulsions de journalistes étrangers et des arrestations brutales de leurs confrères biélorusses. La presse indépendante a été quasiment éradiquée dans le pays. Le monopole d’Etat sur les moyens d’impression et de distribution permet de couper court à toute velléité des professionnels de l’information de secouer le joug qui pèse sur eux. Parfois, la seule issue est le recours à la clandestinité, figeant la société biélorusse à l’époque soviétique du « samizdat », nom donné à l’édition et à la diffusion clandestines d’ouvrages et d’articles interdits. En 2006, le plus ancien hebdomadaire du pays, Nasha Niva a été menacé de fermeture au motif que l’adresse de la rédaction figurant sur l’une des éditions n’était plus la bonne. La revue Arche , quant à elle, a été suspendue pour avoir traité d’une manifestation survenue en 1995, un sujet "politique" que la licence de la publication ne lui permet pas d’aborder, selon les autorités. Colombie Diego Fernando Murillo Bejarano Chef paramilitaire En 2003, « Don Berna » a mis sa puissante milice d’extrême droite au service des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), destinées à suppléer l’armée dans sa lutte contre les guérillas d’extrême gauche. De 2003 à 2006, un vaste plan de désengagement des paramilitaires s’est officiellement soldé par la démobilisation de 30 000 combattants des AUC en échange d’une large impunité. Mais démobilisation ne signifie pas désarmement. En majorité, les intéressés se sont reconvertis dans le meurtre sous contrat et le narcotrafic. Très actifs dans les départements du nord du pays, les paramilitaires continuent de semer la terreur, poussant les journalistes à l’autocensure ou à l’exil quand ils ne recourent pas à l’assassinat. Depuis la fin de l’année 2006, le commando des Aigles Noirs multiplie les intimidations et les violences contre la presse de la côte caraïbe. Arrêté et assigné à résidence depuis le 27 mai 2005, « Don Berna » incarne plus que quiconque l’essence mafieuse du paramilitarisme. En échange de quelques renseignements, il peut à loisir donner des consignes à ses compagnons d’armes et jouer son rôle de chef de cartel. Gambie Yahya Jammeh Président de la République L’ancien sergent putschiste, devenu chef d’Etat à 29 ans, revendique son mépris pour les journalistes. Sa garde prétorienne et ses services de renseignements sont les bras armés de sa politique répressive. Les premières années de sa présidence, à partir de 1994, ont été marquées par une grande agressivité envers ceux qui remettaient en cause sa manière de gouverner. Arrestations, menaces, attentats, tout était bon pour faire taire les médias de ce petit pays anglophone, enclavé dans le Sénégal. Mais les journalistes, rassemblés au sein d’un syndicat, se sont défendus. Jusqu’au 16 décembre 2004, lorsque le directeur du trihebdomadaire The Point, Deyda Hydara, ancien président du syndicat, a été abattu par des inconnus. Depuis cette date, la peur règne au sein des médias de Banjul. Rien n’a été fait pour arrêter les coupables. Les journalistes sont détenus illégalement, au moindre prétexte, selon le bon vouloir du palais présidentiel. Et le chef de l’Etat assume pleinement le comportement de ses services de sécurité, alors que son pays abrite le siège de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Il continue de clamer haut et fort : "Si j’ai envie de fermer un journal, je le ferai." Kazakhstan Noursultan Nazarbaïev Président de la République Depuis sa réélection pour sept ans, en 2005, avec 91% des suffrages, Noursoultan Nazarbaev n’a rien fait pour se débarrasser de son statut de prédateur de la liberté de la presse. Pour protéger sa réputation, le président kazakh a rendu passible de peines de prison toute insulte à son honneur et à sa dignité (article 318 du code pénal). Il a également promulgué des amendements draconiens régulant l’enregistrement des médias. L’une de ces dispositions facilite la mise en liquidation judiciaire des journaux d’opposition et interdit aux professionnels ayant collaboré à un titre frappé de suspension de travailler pendant trois ans. La stratégie des journaux prohibés consistant à reparaître sous un nouveau nom est ainsi contrecarrée. Est-il nécessaire de rappeler que l’année de sa victoire à la présidence, Noursoultan Nazarbaev, hôte de Condoleeza Rice déclarait : "Nous sommes en faveur de la liberté d’expression autant qu’une société en transition peut se le permettre". Sa fille, Dariga Nazarbaïeva, directrice du principal groupe de médias du pays, apporte son concours au contrôle de son père sur la presse. Mexique Cartels de la drogue Depuis la fin des années 90, quatre principaux cartels - de Tijuana, de Sinaloa, de Ciudad Juárez et du Golfe - se livrent une guerre sans merci pour le contrôle de l’acheminement de la drogue dans les régions frontalières des Etats-Unis. Les narcotrafiquants travaillent parfois à leur propre compte et n’hésitent pas à corrompre certains responsables politiques pour imposer leur loi. Au Nord et dans les États côtiers, les journalistes sont bien souvent en première ligne des représailles des gangs. Au cours du mandat de Vicente Fox (2000-2006), la Commission nationale des droits de l’homme a recensé 31 assassinats et cinq disparitions de journalistes. Plus de la moitié d’entre eux enquêtaient sur des affaires liées au narcotrafic. Avec neuf tués et deux disparus en 2006, le Mexique s’est classé juste après l’Irak dans la liste des pays les plus meurtriers pour la presse. Aucun commanditaire de l’un de ces crimes n’a jamais été arrêté ni jugé en six ans. Nigeria State Security Service (SSS) Police d’Etat Placée directement sous les ordres du président de la République, le redoutable service de la police de la sécurité d’Etat exécute les basses œuvres du pouvoir. Saccages des rédactions, arrestations illégales et détentions au secret sont sa marque de fabrique. Chaque année, le SSS s’illustre par son opacité et sa mauvaise foi, allant jusqu’à nier l’arrestation de journalistes alors que celle-ci a eu lieu devant des dizaines de témoins. Successeur de la Nigerian Security Organisation (NSO), la police politique des dictatures militaires des années 70 et 80, le SSS est né en 1986 après le putsch d’Ibrahim Babangida. Le pouvoir a été rendu aux civils en 1999. Mais les services de renseignements intérieurs continuent d’obéir aveuglément aux ordres de la présidence de la République. Tout en laissant la bride sur le cou à une presse insolente et vigoureuse, les services du chef de l’Etat rappellent parfois à l’ordre les journalistes indociles à coups de descentes de police, de passages à tabac et d’interrogatoires musclés. Colombie Raúl Reyes Chef de guérilla Raúl Reyes est membre de l’état-major et porte-parole des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Fondée en 1964 et composée d’environ 17 000 combattants, la guérilla contrôlerait entre 30 et 40 % du territoire colombien. Depuis longtemps, les méthodes mafieuses de l’organisation ont pris le pas sur la lutte idéologique. Spécialisées dans le racket, la séquestration - 45 personnes ont été exécutées en 2006 faute de rançon - et le narcotrafic, les FARC bataillent également sur le terrain de l’information. Elle ont été à l’origine d’une cinquantaine d’enlèvements de journalistes depuis 1997 et rendent quasiment impossible le travail de la presse dans les régions qu’elles contrôlent. En 2005, la guérilla avait mené une campagne de sabotage d’antennes de médias audiovisuels réputés hostiles. Alors que les pourparlers entre le gouvernement et l’autre guérilla d’extrême gauche, l’Armée de libération nationale (ELN, guévariste), sont en passe d’aboutir, le dialogue est au point mort entre les autorités et les FARC. La guérilla réclame toujours la libération de 500 de leurs combattants en échange de 60 otages. Raúl Reyes communique parfois sur le sort de ces derniers. Iran Ali Khamenei Guide suprême de la République Le Guide suprême de la République, l’ayatollah Khamenei, dirige le pays depuis la mort en 1989 du fondateur de la République islamique, l’ayatollah Khomeini. Durant ses dix-huit années passées au pouvoir, Ali Khamenei a consolidé la ligne ultraconservatrice mise en place par son prédécesseur. Il contrôle les principales institutions politiques du pays et le réseau public de la radio-télévision iranienne. Il est notamment consulté pour le choix du ministre de la Culture et de l’Orientation islamiques, responsable de la grande majorité des arrestations de journalistes en 2006. Le Guide suprême accuse régulièrement la presse d’être manipulée par des forces étrangères. Plus de trente journalistes ont été interpellés en 2006 tandis qu’une dizaine de médias ont été censurés. Pourtant, selon Ali Khamenei, les journalistes bénéficient en Iran d’une véritable liberté de ton. "Le fait que certains médias puissent critiquer librement le gouvernement et le régime est une indication explicite du respect de la liberté d’expression dans le pays, même si la nation iranienne ne prête aucune attention à ces critiques", a-t-il récemment déclaré. Laos Choummaly Sayasone chef de l’Etat Désigné chef de l’Etat et chef du Parti populaire révolutionnaire lao en juin 2006, Choummaly Sayasone a bloqué toute ouverture dans le domaine de l’information, condamnant les médias à relayer docilement la propagande officielle. Cet ancien ministre de la Défense a organisé, quelques semaines après son arrivée au pouvoir, une conférence pour rappeler aux responsables des médias quelle était “la politique du Parti envers les journalistes”. Le journal du parti unique, Paxaxon (Peuple), qui se définit comme une “publication révolutionnaire élaborée par le peuple et pour le peuple”, consacre la plupart de ses unes au chef de l’Etat. Soucieux de ne pas être exposé à la critique, Choummaly Sayasone exige que les journalistes reprennent uniquement les dépêches de l’agence de presse officielle Khaosan Pathet Lao lorsqu’ils parlent de lui. Comme ses prédécesseurs, Choummaly Sayasone est issu des rangs de l’armée lao. Il prête une attention spéciale à la presse étrangère, empêchée de couvrir librement la situation de la minorité Hmong, toujours pourchassée par les autorités. Le chef de l’Etat a refusé de gracier deux Hmongs emprisonnés depuis 2003 pour avoir servi de guides à deux reporters européens. Cuba Fidel et Raúl Castro Président et président par intérim du Conseil d’Etat et du Conseil des ministres En congé du pouvoir depuis le 26 juillet 2006 en raison d’une lourde opération chirurgicale, Fidel Castro a officiellement cédé les rênes du pouvoir à son frère Raúl cinq jours plus tard. Malgré quelques timides déclarations d’ouverture, l’ancien ministre de la Défense, devenu président intérimaire, ne se comporte pas mieux que son aîné sur le terrain des droits de l’homme. La période de succession a été marquée par une multiplication des attaques contre la presse indépendante : brutalités policières, convocations et perquisitions de la Sécurité de l’État (police politique), détentions de courte durée à plusieurs reprises, etc. Vingt journalistes arrêtés lors du « printemps noir » de mars 2003 continuent de purger des peines comprises entre 14 et 27 ans de prison dans des conditions inhumaines. Trois autres, arrêtés avant le retrait de Fidel Castro, sont toujours détenus sans jugement, et deux derniers ont été emprisonnés une fois entamée la présidence intérimaire. Avec 25 détenus, Cuba reste la deuxième prison du monde pour les journalistes après la Chine. Ouzbékistan Islam Karimov Président de la République Des "agitateurs", et même des "terroristes"... C’est ce que les journalistes étrangers sont aux yeux d’Islam Karimov, le président de la République ouzbèke. Depuis 2005, il a consciencieusement œuvré à rendre impossible le travail des médias étrangers présents dans le pays. Mais les premières victimes du maître de l’Ouzbékistan depuis 1989 sont les journalistes locaux. Islam Karimov s’est montré particulièrement acharné dans sa tâche d’éradicateur de l’opposition et de la presse libre lors de la répression du soulèvement d’Andijan, en mai 2005. Fidèle à son passé d’apparatchik soviétique, il ne dédaigne pas de recourir aux méthodes les plus brutales : disparitions, internements forcés en hôpital psychiatrique, emprisonnements arbitraires, etc. La liste est longue des mesures auxquelles les journalistes critiques s’exposent. En 1999, le chef de l’Etat avait déclaré publiquement : "Je suis prêt à faire sauter les têtes de 200 personnes, à sacrifier leur vie afin de préserver la paix et le calme dans la République." Erythrée Issaias Afeworki Président de la République Le président de la jeune République d’Erythrée ne cache pas son penchant pour le totalitarisme. Pour lui, la souveraineté de son pays a un prix. Les libertés sont officiellement "suspendues" depuis 2001, après que des voix s’étaient élevées au sein du parti unique pour réclamer une démocratie trop longtemps attendue. Toute velléité de contestation est taxée de "trahison". La presse privée n’existe plus. Ne subsistent que les médias d’Etat, dont la ligne éditoriale est digne de l’époque soviétique. Ce petit territoire bordé par la mer Rouge est devenu, en quelques années, une prison à ciel ouvert, dirigée d’une main de fer par une petite clique ultranationaliste rassemblée autour du chef de l’Etat. Au moins seize journalistes ont littéralement disparu dans l’un des 314 centres de détention que compte le pays. Quatre d’entre eux, dont le célèbre dramaturge Fessehaye Yohannes, dit "Joshua", n’auraient pas survécu à des conditions de détention d’une cruauté inouïe. Après avoir qualifié les prisonniers de criminels de droit commun, puis d’espions, le gouvernement érythréen a décidé de nier purement et simplement leur existence. Libye Mouammar Kadhafi Chef de l’Etat et Guide de la Révolution Depuis l’avènement de la révolution verte, il y a 37 ans, le « frère leader » Mouammar Kadhafi a fait de nombreux écarts à son idéologie socialiste originelle. Mais les journalistes n’ont pas encore bénéficié de cette lente décrispation du régime. Ils n’ont toujours aucune marge de manœuvre et servent avant tout la machine de propagande du chef de l’Etat. Le culte de la personnalité bat son plein dans les artères de la ville comme dans les médias officiels, les seuls autorisés. La presse privée n’existe pas. Pour Mouammar Kadhafi, « la presse est un moyen d’expression de la société, et non le moyen d’expression d’une personne physique ou morale. Logiquement et démocratiquement, elle ne peut donc être ni la propriété de l’une, ni de l’autre ». Les médias étrangers sont également placés sous surveillance et leurs reporters obtiennent difficilement des visas. De nombreux journaux sont toujours confisqués à la frontière. Plus d’un an après l’assassinat du journaliste Daïf Al Ghazal, dont le corps portait de multiples traces de torture, les auteurs du crime n’ont toujours pas été identifiés. Par ailleurs, Reporters sans frontières est toujours sans nouvelles du journaliste Abdullah Ali al-Sanussi al Darrat, disparu dans les geôles libyennes depuis son incarcération en 1973. Pakistan Pervez Musharraf Président de la République Arrivé au pouvoir en 1999 à la faveur d’un coup d’Etat, le général Pervez Musharraf manie la carotte et le bâton avec les médias. Il a autorisé la création de chaînes de télévisions privées, mais il utilise les services secrets militaires pour faire taire les journalistes dérangeants. En 2006, une dizaine d’entre eux ont été kidnappés et torturés pour tenter de leur faire avouer leurs relations supposées avec des opposants. Un reporter qui a reçu des décharges électriques pendant des interrogatoires a été menacé en ces termes : “Ne t’oppose jamais à l’Etat et aux services secrets.” La correspondante du New York Times a été frappée par des militaires alors qu’elle enquêtait sur la présence de taliban au Pakistan. En 2006, au moins quarante journalistes ont été harcelés par les services du général Pervez Musharraf. L’un d’eux, Hayatullah Khan, a été assassiné après plusieurs mois de détention au secret. Il avait enquêté sur l’implication de l’armée américaine dans des attaques au Pakistan. Pervez Musharraf a donné tout pouvoir aux forces de sécurité pour empêcher une libre couverture de la situation dans les zones tribales et dans la province du Baloutchistan (frontalières de l’Afghanistan). Guinée Equatoriale Teodoro Obiang Nguema Président de la République Tout va bien dans le "Koweït de l’Afrique", royaume immobile d’un président que la radio nationale présente comme le "Dieu de la Guinée équatoriale". Régulièrement réélu avec à peine moins de 100% des voix, Teodoro Obiang Nguema garde un contrôle absolu sur ce petit pays pétrolifère du golfe de Guinée. Aucun média privé ne paraît sur le territoire, si ce n’est le bulletin quasi confidentiel d’un parti d’opposition régulièrement harcelé par les autorités. La mainmise sur l’économie du pays par le chef de l’Etat et sa famille est accompagnée par un culte de la personnalité écrasant. Les rares journalistes indépendants travaillent pour la presse étrangère et sont étroitement surveillés. Malgré cela, les autorités continuent d’affirmer que l’absence de pluralisme s’explique par "la pauvreté", et non par l’intolérance envers ceux qui remettraient en cause le fait que Teodoro Obiang Nguema peut "décider de tuer sans que personne lui demande des comptes et sans aller en enfer", comme l’affirme la radio publique. Russie Vladimir Poutine Président de la Fédération de Russie A l’approche du terme de son mandat, en 2008, Vladimir Poutine n’a pas de quoi être fier de son bilan. L’hôte du Kremlin a poursuivi sa prise de contrôle progressive des médias, secondé par son fidèle allié, le conglomérat énergétique public Gazprom. Le pluralisme audiovisuel n’est plus qu’une lointaine chimère et la presse régionale d’information travaille sous la pression de gouverneurs nommés par le Président ou de potentats économiques locaux. Les figures les plus éminentes des grands journaux nationaux eux-mêmes ne sont pas à l’abri de la violence. Anna Politkovskaïa, reporter pour Novaïa Gazeta, en est le triste exemple. La journaliste, spécialiste du conflit tchétchène et critique notoire de la politique du Kremlin dans la région, a été assassinée par balles dans son immeuble à Moscou, le 7 octobre 2006. Vingt et un professionnels de la presse ont été tués en Russie depuis l’arrivée au pouvoir de l’ancien officier du KGB, en mars 2000. Quant au nombre d’affaires résolues, il reste désespérément bas. Malgré ce triste palmarès, la France n’a pas hésité à décorer le président russe des insignes de Grand-Croix de la Légion d’honneur, en septembre 2006. Rwanda Paul Kagame Président de la République Il ne suffit pas d’avoir une Constitution proclamant le respect de la liberté de la presse pour que celle-ci soit une réalité. Le président rwandais Paul Kagame en sait quelque chose, lui qui ne tolère aucune question embarrassante lors de ses conférences de presse, dénigre régulièrement les journalistes de la presse indépendante ou qualifie tous les médias critiques de "Radio Mille Collines". Le gouvernement ne peut nier l’évidence : il ne fait pas bon être un journaliste indépendant à Kigali. Rwandais ou étrangers, les autorités s’en prennent à tous ceux qui diffusent des informations dérangeantes pour le pouvoir ou qui s’attaquent à l’un des tabous de la société forgée par le Front patriotique rwandais (FPR), arrivé au pouvoir après avoir chassé le régime génocidaire hutu et mis fin aux massacres. En 2006, une journaliste étrangère a été expulsée, un directeur de journal passé à tabac, un autre lourdement condamné pour une analyse politique. Chaque année, plusieurs journalistes rwandais choisissent de s’exiler, jugeant le climat irrespirable dans leur pays. Le président Kagame n’en a cure : pour lui, ces journalistes sont des "mercenaires", voire des "clochards". Tunisie Zine el-Abidine Ben Ali Président de la République Depuis qu’il a écarté du pouvoir l’ancien président Habib Bourguiba en 1987 pour cause de "sénilité", Zine el-Abidine Ben Ali contrôle le pays et les médias avec poigne. Réélu en 2004 pour un quatrième mandat de cinq ans, - et après avoir fait modifier la Constitution pour pouvoir se présenter -, le président Ben Ali a déclaré vouloir poursuivre son action "en vue d’encourager le pluralisme dans le paysage médiatique, (...) en élargissant les espaces de dialogue, en impulsant l’initiative privée dans le secteur de l’information, et en améliorant les conditions de travail et la situation des journalistes". Mais sous la "douce dictature" de Ben Ali, les journalistes et défenseurs des droits de l’homme sont soumis à un véritable harcèlement administratif, à des violences policières et à une surveillance quasi permanente des services de renseignements. Internet est également sous contrôle. Mohammed Abbou, avocat auprès de la cour d’appel de Tunis, est emprisonné depuis le 1er mars 2005 suite à la publication sur le site Tunisnews d’un article dans lequel il comparait les tortures infligées en Tunisie à des prisonniers politiques aux exactions des soldats américains à Abou Ghraib, en Irak. Syrie Bachar el-Assad Président de la République Arrivé au pouvoir en juin 2000 après le décès de son père, Hafez el-Assad, qui dirigeait la Syrie d’une main de fer depuis plus de 30 ans, Bachar el-Assad ne s’est pas montré à la hauteur des espérances de la population. Les réformes démocratiques longtemps attendues, telles que la loi autorisant la création de partis politiques et la révision du code de la presse, sont restées au point mort. L’isolement diplomatique de la Syrie suite à l’assassinat, à Beyrouth, de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri a poussé le régime baassiste à durcir le ton envers les activistes politiques et les journalistes. Arrestations, convocations par les services de sécurité, interdictions de quitter le territoire et blocages de sites Internet se sont multipliés. L’écrivain et journaliste Michel Kilo est emprisonné depuis le 14 mai 2006 pour avoir signé un traité prônant une réforme des relations syro-libanaises. Interrogé par la chaîne de télévision américaine ABC sur les arrestations d’opposants politiques, Bachar el-Assad a répondu : "Ce genre de prisonniers n’existe pas. En Syrie, nous avons deux sortes de prisonniers. Ceux qui sont impliqués dans des attentats terroristes et ceux qui ont violé la loi syrienne."
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