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Les nanos du canardL’article qui suit est tiré du Carnard Enchaîné du mercredi 22 novembre N° 4491. Le 26/11/06 DEVINETTE : quel est en France le champion des nanotechnologies ? L’Oréal, qui est l’entreprise déposant le plus de brevets en la matière. Avec 2 900 chercheurs et un budget recherche-développement de 500 millions d’euros, le géant des cosmétiques est en pointe dans le domaine des nanoparticules. Pourtant, lors des auditions publiques sur le sujet, organisées le 7 novembre par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (organisme censé permettre aux représentants du peuple de mettre leur nez dans le progrès technique et ses conséquences), L’Oréal (ainsi que Michelin très investi lui aussi) a refusé de venir s’expliquer. Motus et bouche cousue ! Il s’est même trouvé un sénateur, Claude Saunier, pourtant chaud partisan des nanos, pour se dire « choqué par ce refus de coopération ». Et d’ajouter qu’il craint un « blocage entre le monde scientificoindustriel et la société, voire un syndrome OGM ». Eh oui : le scénario transgénique est bien parti pour se répéter. Un passage en force des industriels ; des promesses aussi mirifiques que délirantes ; des risques et des dangers non seulement minimisés, mais carrément évacués ; et pour finir un réveil brutal de l’opinion publique, suivi d’une méfiance à couper à la faux. Nous en sommes déjà au stade n2 3 : alors que les nanoproduits sont massivement présents (pas moins de 1 400 sur le marché mondial), les études sur les risques sont négligées : en juin dernier, le comité de la prévention et de la précaution notait : « L’écart entre la pression de la compétitivité industrielle sur un marché globalisé et le temps nécessaire à la réalisation des études sur les effets sanitaires et environnementaux constitue une importante source de risque. » En clair : on lâche des trucs dans la nature les yeux fermés. Or Patrick Brochard, auteur de ce rapport, insiste sur les risques de « court -circuit des barrières biologiques (cérébrales, placentaires) ». De son côté, William Dab, ancien directeur de la Santé, met en garde les pouvoirs publics « Nous sommes en train de fabriquer une catastrophe. »Autres signes inquiétants treize experts internationaux viennent de lancer dans « Nature » un appel pour que soient étudiés d’urgence les impacts sanitaires des nanos. Et les réassureurs suisses de la Swiss Re refusent de couvrir ce secteur... De quoi, au minimum, lancer un vrai grand débat sur la place publique, non ? Villepin l’avait promis en mai, pour aussitôt l’enterrer... Car nos élus préfèrent aller de l’avant, main dans la main avec les industriels : le 30 octobre dernier, François Goulard, ministre délégué à la Recherche, a rencontré les dirigeants de Michelin à Minatec (le centre nano de Grenoble). A huis clos... De son côté André Vallini, député de l’Isère, organise ce mardi 28 novembre à Paris les « premières rencontres parlementaires » sur les nanos, une sorte de grand-messe autocongratulatoire... financée à hauteur de 120 000 euros par le CEA et Schneider Electric. Et vive le mélange des genres ! Cela ne l’empêche pas de promettre le lancement d’une grande agence internationale, et de financer une série de débats publics à Grenoble intitulés Nanoviv qui se termineront le 11 décembre : une petite opération de « psychothérapie collective » censée adoucir les moeurs des opposants aux nanos (1). Il n’est pas sûr que ça soit suffisant. Professeur Canardeau
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